Des dizaines de milliers d'internautes ont appelé, le 10 septembre, via les réseaux sociaux, à boycotter la plateforme de vidéos Netflix. Utilisé dans plus de 200 000 tweets, le mot-clé «CancelNetflix» (supprimer Netflix) s'est en effet hissé en top des tendances mondiales pendant quelques heures.
En cause, le film français Mignonnes, disponible sur la plateforme à l'international depuis le début de la semaine, qui selon ses détracteurs met en scène des jeunes filles de façon extrêmement inappropriée. Le film, qui a reçu un prix de réalisation au prestigieux festival américain de Sundance, évoque l'histoire d'Amy, Parisienne de 11 ans, qui doit jongler entre les règles strictes de sa famille sénégalaise et la tyrannie de l'apparence et des réseaux sociaux.
La pré-adolescente intègre alors un groupe de danse formé par trois autres filles de son quartier, dont les chorégraphies lascives, mimant des actes sexuels – à l'instar de celles de beaucoup de stars de la pop actuelles – ont choqué les internautes.
«Ce n'est pas acceptable !», s'est par exemple insurgée une internaute, sous un extrait du film dans lesquels les jeunes filles s'initient au «twerk».
La polémique a notamment fait réagir dans la sphère politique américaine : «Si vous regardez "twerker" des enfants de 11 ans, vous êtes un pervers. Si vous demandez à des enfants de 11 ans de se toucher devant la caméra, vous êtes un pédophile. Si vous soutenez la création et la diffusion de Mignonnes sur Netflix, vous permettez ces abus», s'est emporté James Bradley, candidat républicain au Congrès.
«La pornographie juvénile est illégale en Amérique», a de son côté twitté DeAnna Lorraine, qui fut candidate républicaine en Californie pour un siège à la Chambre des représentants.
Dans un message très partagé, un internaute a d'ailleurs demandé l'ouverture d'une enquête contre Netflix pour d'éventuelles violations des lois sur l'exploitation des enfants et la pédopornographie.
En France aussi, la polémique a fait réagir : «Vous dites que le film est pour dénoncer l'hypersexualisation mais je suis désolé, il y avait d'autres moyens de le faire que de faire twerker des gamines de 11 ans en petites tenues», s'est par exemple emporté un internaute.
«Avec Mignonnes, j'ai compris que pour beaucoup de féministes extrêmes quand un voyeur filme l'entrejambe d'une gamine sur la plage c'est abominable (à raison) mais quand c'est un réalisateur pour des millions de personnes ça passe», a dénoncé une autre.
Mignonnes, commentaire social contre la sexualisation des jeunes enfants, selon Netflix
Au-delà des réseaux sociaux, une pétition sur le site Change.org appelant à se désabonner de Netflix rassemble à l'heure actuelle plus de 600 000 signatures. «J'ai trouvé plusieurs séries et films sur Netflix, dans lesquels il y a des comportements inappropriés similaires à Mignonnes», est-il notamment précisé, mentionnant par exemple la série d'animation Big Mouth.
Réagissant au scandale, un porte-parole de Netflix a soutenu auprès de Fox News que l'œuvre avait pour but de dénoncer la sexualisation des enfants : «Mignonnes est un commentaire social contre la sexualisation des jeunes enfants. C'est un film primé et une histoire puissante sur la pression que subissent les jeunes filles sur les réseaux sociaux et de la société plus généralement en grandissant. Nous encourageons tous ceux qui se soucient de ces questions importantes à regarder le film.»
Si le film a de nombreux détracteurs, il a aussi quelques défenseurs. Le New Yorker, par exemple, a qualifié l'œuvre d'«extraordinaire», jugeant que les attaques dont il est l'objet provenaient d'«une campagne de droite». Pour étayer sa théorie, le critique new-yorkais Richard Brody soutient notamment que «certaines figures bien connues de l'extrême droite» ont été bouleversées par le film... Difficile pourtant de réduire l'indignation suscitée par Mignonnes à un simple débat partisan.
Fin août, Netflix avait déjà dû présenter ses excuses après avoir été accusé par des internautes d'«hypersexualiser» des enfants de 11 ans dans un visuel utilisé pour le film. Vivement interpellée par des internautes, la plateforme avait annoncé le 20 août avoir retiré le visuel en question. L'affiche montrait les protagonistes du film, des pré-adolescentes de 11 ans, en tenues moulantes et dans des poses suggestives.
La sortie du film a par ailleurs été mise entre parenthèses par Netflix en Turquie, où les autorités audiovisuelles estiment qu'il pourrait inciter à l'exploitation des enfants, rapporte Reuters.