Au moins 11 morts et 400 blessés sont à déplorer en Colombie où le climat social est des plus tendus après la mort d'un avocat, violemment interpellé par la police dans la nuit du 8 au 9 septembre. Un événement qui a ravivé une colère longtemps contenue dans ce pays latino-américain en proie à une importante crise économique et sociale, et où le président Ivan Duque (droite) est largement contesté.
La fureur des manifestants s'est propagée comme une trainée de poudre, gagnant rapidement plusieurs villes du pays, après des mois de confinement dû à la crise sanitaire. Des dizaines de postes de police ont ainsi été détruits en deux jours : les affrontements entre la police et les manifestants révoltés par la bavure policière se poursuivaient dans la nuit du 10 au 11 septembre dans tout le pays et notamment dans les villes de Bogota (capitale, centre), Medellin (nord ouest) et Barranquilla (nord, Caraïbes). La soirée a également été marquée par divers actes de vandalisme.
La circulation des transports en commun de la capitale a été suspendue à partir de 20h bien que le bureau de la maire Claudia Lopez (opposition) ait exclu la mise en place du couvre-feu. Si elle a appelé les manifestants au calme, l'édile de Bogota a vertement critiqué le gouvernement et sa gestion des forces de l'ordre. «Pourtant nous ne sommes pas sur un champ de bataille», a-t-elle lancé. «Il existe des preuves solides d'une utilisation indiscriminée des armes à feu par les policiers [...] Quel type de formation reçoivent-ils pour avoir cette réponse absolument disproportionnée à une manifestation ?» a-t-elle interrogé.
La vidéo de l'interpellation d'un avocat à l'origine des manifestations
C'est la publication de la vidéo de l'interpellation d'un avocat, Javier Ordonez, qui a déclenché la fureur de la population. On y voit le quadragénaire cloué au sol par des policiers et soumis à des décharges électriques successives alors qu'il supplie : «S'il vous plaît, arrêtez !»
La police a déclaré que Javier Ordonez avait été appréhendé en train de boire de l'alcool dans la rue avec des amis, en violation des règles de distanciation sanitaires liées au coronavirus. Il a ensuite été emmené dans un poste de police dans l'ouest de Bogota, détruit depuis par les manifestants après la mort de l'avocat. Deux officiers soupçonnés d'être impliqués dans les abus présumés ont été suspendus dans l'attente d'une enquête, a fait savoir le gouvernement.
Il a été assassiné par les policiers
La famille du défunt a appelé à la justice et à des manifestations pacifiques. «Il a été assassiné par les policiers», a déclaré à Reuters sa belle-sœur, Eliana Marcela Garzon. «Nous ne voulons pas [de morts] dans un pays déjà plein de conflits, nous voulons la justice», a-t-elle ajouté.
Pourtant les images publiées par des journalistes et par des citoyens sur les réseaux sociaux font état d'une rare violence lors des affrontements, comme on peut le voir dans les vidéos postées par cette journaliste de Telesur.
Le président colombien Ivan Duque a appelé au «calme, à la sérénité et à la confiance dans les institutions afin que les autorités puissent rapidement clarifier les faits». «Ne tombons pas dans le désespoir ou la rage, ni dans ceux qui veulent capitaliser politiquement sur ces circonstances», a demandé le président.
De grandes manifestations réunissant des centaines de milliers de personnes avaient eu lieu à l'automne 2019 contre la politique libérale d'Ivan Duque, allié de Washington mais la crise sanitaire avait interrompu ces protestations. Au moins un grand rassemblement avait eu lieu à Bogota au mois de mars, pendant le confinement, dénonçant la pauvreté et la faim de la population la plus précaire qui s'est retrouvée désœuvrée à cause de l'épidémie, une circonstance qui est venue ajouter de la misère à la misère des plus démunis.
Meriem Laribi