Depuis l'élection de Donald Trump en 2016, l'arène politique américaine est entrée dans un tourbillon hystérique que rien ne semble pouvoir arrêter. Et ce n'est certainement pas la perspective de l'élection présidentielle en novembre prochain qui y mettra un terme.
D'autant que cette année, le vote par correspondance a été généralisé dans de nombreux Etats dont les autorités locales ont estimé qu'il s'agissait d'un moyen plus sûr pour les électeurs de s'exprimer, en raison de l'épidémie de Covid-19. A tel point que, selon le Washington Post, 83% des électeurs – soit 190 millions de personnes – auront de fait la possibilité d'y avoir recours. A noter qu'il faut bien différencier le vote par procuration, qui nécessite une demande spécifique de la part du votant, du scrutin postal, pour lequel il suffit de renvoyer un formulaire dans une enveloppe pré-distribuée.
Ce changement majeur dans la tenue du scrutin ne va pas sans risques. Logistique d'une part : le service postal américain a ainsi expliqué qu'il lui serait impossible de traiter tous les courriers à temps pour la soirée électorale du 3 novembre. Par conséquent, les résultats disponibles dans la foulée du vote ne seront pas définitifs. Il faudra potentiellement des jours voire des semaines pour que tous les votes soient comptabilisés. Un facteur d'instabilité certain dans le climat délétère qui règne actuellement à Washington entre démocrates et républicains.
Qui plus est, il n'est pas impossible que le candidat qui sera annoncé en tête le soir du 3 novembre soit finalement battu quelques semaines plus tard, lorsque la totalité des suffrages par correspondance seront connus. Une éventualité à prendre très au sérieux à en croire le patron du média Axios, Josh Mendelsohn. Selon ses prévisions, Donald Trump pourrait ainsi virer largement en tête le 3 novembre, pour finalement s'incliner quelques jours plus tard. «Nous tirons la sonnette d'alarme, et disons que c'est une possibilité bien réelle, que les données montreront une victoire incroyable de Donald Trump lors de la soirée électorale. [...] [Mais] lorsque chaque vote légitime sera compté, nous verrons en fait que ce qui s'est passé le soir des élections était un mirage», a-t-il soutenu dans un entretien accordé à la chaîne HBO.
Un scénario qui s'expliquerait, selon un sondage mené par Axios/SurveyMonkey, par le clivage partisan très marqué concernant la façon de voter : près de 75% des républicains entendraient ainsi voter en personne, alors que plus de la moitié des démocrates opteraient pour le vote par correspondance.
Trump : «La fraude et les abus seront une honte pour notre pays»
Toujours est-il que cette hypothèse viendrait creuser de façon significative le fossé déjà profond entre démocrates et républicains. Depuis des mois en effet, la question du vote par correspondance divise les deux camps : nécessaire pour des raisons de sécurité sanitaire aux yeux des démocrates, il ouvrirait la porte à des fraudes massives selon les républicains. Difficile dès lors d'imaginer ceux-ci accepter sans un mot le scénario décrit précédemment.
D'autant que le président américain Donald Trump, farouche opposant de ce mode de scrutin, ne se prive pas de faire connaître le fond de sa pensée sur le sujet. Dans une série de tweets publiés le 3 septembre, le chef d'Etat a d'ailleurs incité ses partisans qui voteront par correspondance à tout de même se rendre aux urnes le jour du scrutin. Ils pourront ainsi constater si leur vote a bel et bien été pris en compte, et si ce n'est pas le cas, voter en personne.
Ce n'est là qu'une des nombreuses inquiétudes de Donald Trump quant au vote par voie postale. «Il n'y a AUCUNE CHANCE (ZERO) que le vote par correspondance soit autre chose que substantiellement frauduleux. Les boîtes aux lettres vont être volées, les bulletins vont être falsifiés et même frauduleusement imprimés et frauduleusement signés», tweetait déjà le chef d'Etat le 26 mai dernier. «La fraude et les abus seront une honte pour notre pays», a-t-il encore martelé récemment sur le réseau social.
Si de leur côté les démocrates défendent corps et âmes ce mode de scrutin et jugent les réserves de Donald Trump sans fondements, le New York Post vient pourtant d'apporter de l'eau au moulin du locataire de la Maison Blanche. Le quotidien a publié fin août le témoignage anonyme d'un homme qui se présente comme un consultant ayant travaillé pour le parti démocrate et qui affirme avoir truqué des votes par correspondance lors de nombreuses élections fédérales.
Il décrit plusieurs modus operandi, comme, par exemple, récupérer le courrier de vote des citoyens en se faisant passer pour une association de service public, pour le poster à leur place. Reste ensuite à ouvrir l'enveloppe à la vapeur et changer le bulletin en falsifiant la signature. L'homme, qui indique d'autres stratagèmes, affirme les avoir appliqués lors d'élections dans le New Jersey, mais soutient que ces manipulations ont lieu dans le reste du pays. Selon lui, la fraude «est plus une règle qu'une exception».
Dernier enjeu, soulevé par le camp démocrate : le vote par correspondance, selon la gauche américaine, faciliterait le vote des minorités et des catégories populaires. Au mois d'avril, l'agence Reuters rapportait : «Les démocrates et le groupe de défense des droits de vote disent qu'il s'agit d'une manière de protéger les électeurs du virus mortel, et qu'un échec à garantir cette option durant la pandémie priverait des millions d'Américains [de vote], en particulier les pauvres et les Afro-Américains qui sont jugés plus vulnérables au virus et ont tendance à voter démocrate».
Une chose est certaine, le vote par correspondance va jouer un rôle déterminant lors de ces élections. Pour le Washington Post, qui s'est essayé au jeu des conjectures, en cas de courte défaite, les républicains s'empresseront de dénoncer des fraudes et Donald Trump refusera de céder le pouvoir. S'ensuivront des violences et une crise institutionnelle. La seule solution pour éviter le pire selon le quotidien ? Que Joe Biden remporte une large victoire...
Frédéric Aigouy