Le haut représentant de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a menacé le 28 août Ankara de nouvelles sanctions si aucun progrès n'a lieu dans le dialogue avec Athènes sur la crise en Méditerranée orientale.
«En l'absence de progrès de la part de la Turquie, nous pourrions établir une liste de nouvelles mesures restrictives» qui serait discutée lors d'un sommet de l'UE le 24 septembre, a prévenu Josep Borrell à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des Etats membres à Berlin.
«Nous voulons donner une sérieuse chance au dialogue et j'apprécie énormément l'effort déployé par l'Allemagne [qui assure la présidence semestrielle de l'UE] pour trouver des solutions», a déclaré Josep Borrell. Mais étant donnée leur «frustration grandissante» face à l'attitude d'Ankara, les 27 ministres de l'UE se sont entendus pour sanctionner de nouvelles personnalités – dont les noms ont été suggérés par Chypre – pour leur rôle dans les forages exploratoires turcs dans les eaux revendiquées par l'île. Actuellement, seules deux personnes sont frappées de sanctions.
Une menace accueillie froidement par Ankara : «Le recours de l'UE à la menace de sanctions n'aide pas à résoudre le problème», a rétorqué le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, ajoutant que les démarches de l'UE ne contribuaient au contraire qu'à renforcer la détermination de son pays.
Les tensions entre Ankara et Athènes, qui se disputent certaines zones maritimes riches en hydrocarbures de Méditerranée orientale, sont montées d'un cran cette semaine, avec des manœuvres militaires rivales, incluant d'un côté des navires de guerre turcs et américains, et de l'autre des bâtiments grecs, chypriotes, français et italiens.
Quelles nouvelles sanctions ?
Interrogé sur les «mesures restrictives» contre la Turquie qui pourraient être discutées lors du sommet de l'UE le 24 septembre, Josep Borrell a déclaré qu'il pourrait notamment s'agir d'une interdiction d'utiliser les ports de l'UE ou de la saisie éventuelle de navires impliqués dans les forages. Des sanctions visant des secteurs entiers de l'économie turque pourraient également être envisagées, a-t-il dit, précisant qu'elles seraient décidées uniquement dans le cas où celles ciblant les forages s'avéraient inefficaces.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères grec Nikos Dendias s'est dit satisfait de ces annonces. «Je pense que la partie grecque a obtenu ce qu'elle pouvait, c'est-à-dire des sanctions possibles si la Turquie ne choisit pas la désescalade et ne revient pas au dialogue», a-t-il déclaré aux médias grecs. «J'espère que la Turquie va revenir à la raison, cesser les provocations, les actions arbitraires et arrêter de violer le droit international», a-t-il ajouté.
Cette crise creuse en outre un fossé entre membres de l'OTAN. Lors d'une conversation téléphonique vendredi avec Recep Tayyip Erdogan, le secrétaire général de l'Alliance a mis l'accent sur la nécessité d'un «dialogue» et de la «désescalade», a indiqué Jens Stoltenberg dans un tweet. Erdogan a répondu que «l'OTAN devrait remplir ses responsabilités contre des initiatives unilatérales qui ne respectent pas les lois internationales et nuisent à la paix régionale», selon la présidence turque.
Emmanuel Macron a de son côté assuré vouloir «réengager un dialogue positif» avec la Turquie mais avec des «préalables». «Ces dernières années, la stratégie qui a été celle de la Turquie n'est pas la stratégie d'un allié de l'OTAN», a souligné le président français. Il a dit «assumer complètement» le déploiement par la France mi-août de deux navires de guerre et deux avions Rafale pour soutenir la Grèce, qui dénonce des recherches turques d'hydrocarbures «illégales» dans ses eaux.
«Nous n'avons pas déployé une armada en Méditerranée orientale mais nous avons simplement dit que nous considérons que les déploiements faits [par la Turquie] sont une provocation», a ajouté le président français.