Des milliers de personnes se sont rassemblées dans l'après-midi du 8 août dans le centre de Beyrouth pour demander des comptes aux autorités après la double explosion meurtrière dans le port qui a dévasté des quartiers entiers de la capitale libanaise.
«Vengeance, vengeance, jusqu'à la chute du régime», scandaient les manifestants dont certains brandissaient des potences, alors que les forces de sécurité tentaient d'empêcher certains groupes d'avancer vers le Parlement, selon les correspondants de l'AFP.
Sur la place des Martyrs, épicentre traditionnel des manifestations, vers laquelle les protestataires ont convergé avec pour mot d'ordre «Le Jour du jugement», des guillotines en bois ont été installées tandis que des protestataires ont brandi des cordes, un nœud coulant à leur extrémité. Le hashtag #Pendezles circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
Des manifestants pénètrent dans le ministère des Affaires étrangères
Des heurts ont éclaté entre des manifestants et les forces de l'ordre, comme on peut le voir dans des images rapportées notamment par l'agence Ruptly.
Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène, rapporte notamment Reuters.
En outre, d'après l'AFP, des manifestants menés par des officiers à la retraite ont pris d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères à Beyrouth, le proclamant «quartier général de la Révolution». Cette initiative a été diffusée en direct à la télévision, rapporte l'agence.
Le journal L'Orient-le-Jour a diffusé sur Twitter une image de ces manifestants.
Le journaliste de Brut Remy Buisine a également fait état de tensions à proximité du Parlement dans l'après-midi, images à l'appui.
Reprise de la mobilisation contre la classe politique
Pour les Libanais déjà éprouvés par une crise économique inédite, la double explosion du 4 août a été la catastrophe de trop, ravivant un mouvement de contestation qui avait débuté en octobre pour dénoncer l'ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente, mais qui s'était essoufflé en raison de la pandémie de Covid-19.
«Après trois jours passés à déblayer les décombres et panser nos plaies, il est temps de laisser exploser notre colère et de les sanctionner pour avoir tué des gens», affirme Farès al-Hablabi, manifestant de 28 ans interrogé par l'AFP. «Nous devons nous dresser contre tout le système [...] le changement doit être à la mesure de l'ampleur de la catastrophe», ajoute ce militant descendu dans la rue dès le déclenchement du soulèvement populaire le 17 octobre 2019. «On n'en peut plus. On est pris en otage, on ne peut pas quitter le pays, on ne peut retirer notre argent des banques, le peuple est en train de crever de faim, il y a plus de deux millions de chômeurs et là, par négligence et à cause de la corruption [...], Beyrouth a été complètement détruite», lâche également auprès de l'AFP Médéa Azoury, une manifestante de 46 ans.
La catastrophe du 4 août a fait au moins 158 morts et plus de 6 000 blessés, dont au moins 120 sont dans un état critique, selon un dernier bilan du ministère libanais de la Santé, ainsi que près de 300 000 sans-abri.
Le président Michel Aoun a déclaré le 7 août qu'il s'opposait à une enquête internationale. Il a également déclaré que l'enquête sur les causes exactes des explosions était encore en cours et que celles-ci pourraient pourrait avoir été causées par la négligence ou par un missile. Une vingtaine de fonctionnaires du port et des douanes ont été interpellés, selon des sources dans les milieux de la justice et des forces de l'ordre.
Les trois députés de l'opposition du parti Kataëb, un parti historique chrétien, ont démissionné ce 8 août, affirmant que le temps était venu de bâtir un «nouveau Liban». Le secrétaire général de cette formation historique a été tué dans l'explosion. Deux autres parlementaires avaient déjà démissionné après le drame.