A travers le monde, les appels se multiplient pour pousser le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à abandonner son projet d'annexion d'une partie de la Cisjordanie, d'aucuns mettant en garde contre le risque d'un nouveau conflit. Côté palestinien, le Hamas au pouvoir à Gaza et le Fatah au pouvoir en Cisjordanie, habituellement adversaires politiques, s'engagent à «s'unir» contre ce projet d'annexion.
«Déstabilisation de la région»
Israël, qui a annexé Jérusalem-Est en 1967 puis le plateau syrien du Golan en 1981, veut aujourd'hui poursuivre la colonisation du territoire palestinien en décrétant «israélienne» une partie de la Cisjordanie occupée.
Le plan d'annexion suscite de vives critiques de l'Union européenne (UE), de l'ONU et de plusieurs pays arabes. Et désormais du Premier ministre britannique Boris Johnson, que Benjamin Netanyahou qualifiait «d'ami» il y encore a quelques mois, qui s'est invité le 1er juillet en une du quotidien israélien Yediot Aharonot pour exhorter son homologue israélien à annuler son projet. «Je suis un défenseur passionné d'Israël» mais «j'espère profondément que l'annexion n'ira pas de l'avant», écrit Boris Johnson, disant craindre pour le processus de paix.
A Berlin, les députés allemands ont estimé dans une résolution qu'une annexion faisait «courir le risque d'une nouvelle déstabilisation de la région» et ont enjoint Israël d'abandonner ce plan «urgemment». Ils ont toutefois jugé que des menaces de l'UE de sanctions contre Israël seraient contre-productives.
Le droit international est clair comme du cristal : l'annexion est illégale
En France, le 24 juin, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a averti Israël qu'une annexion d'une partie de la Cisjordanie «affecterait» ses relations avec l'UE et souligné que Paris restait «déterminé» à reconnaître «le moment venu» l'Etat palestinien. «Dans l'hypothèse où nos efforts [pour dissuader Israël] n'aboutiraient pas, nous nous préparons à réagir. Une décision d'une telle gravité ne peut rester sans réponse», a-t-il martelé lors d'un débat au Sénat sur la perspective d'annexion.
Même son de cloche pour le secrétaire général de l'ONU Antonio Gutteres. «L'annexion de parties de la Cisjordanie occupée constituerait une grave violation du droit international, compromettrait gravement la perspective d'une solution à deux Etats et compromettrait les possibilités de reprise des négociations», a-t-il écrit sur son compte Twitter le 24 juin.
Une quarantaine de femmes politiques internationales ont également appelé le 1er juillet à s'opposer au projet israélien d'annexion. «Une telle mesure détruira un demi-siècle d'efforts pour la paix dans la région et aura des conséquences considérables», préviennent les signataires de ce texte, parmi lesquelles l'ex-présidente suisse Micheline Calmy-Rey, l'ancienne ministre française de la Justice Christiane Taubira, l'avocate iranienne et lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi ou l'ancienne ministre sud-africaine Barbara Hogan.
Une vingtaine de roquettes vers la Méditerranée en guise d'avertissement
Dans l'enclave de Gaza, sous blocus israélien, des milliers de Palestiniens ont manifesté leur opposition au plan. «La résistance doit reprendre, seul le recours à la force fait peur à Israël», a déclaré un manifestant cité par l'AFP. Toute annexion, sans pourparlers de paix préalables, serait une «déclaration de guerre», a récemment averti le Hamas, qui ne cherche pas, selon des analystes, une nouvelle confrontation avec Israël mais a lancé une vingtaine de roquettes vers la Méditerranée en guise d'avertissement. Le Hamas participait ce 2 juillet aux côtés du parti Fatah du président de l'Autorité palestinienne, au pouvoir en Cisjordanie, à une conférence de presse à Ramallah sur le projet d'annexion israélien.
«Mépris cynique»
Des manifestations ont eu lieu à Ramallah et Jéricho, en Cisjordanie, où les autorités ont annoncé un bouclage du territoire pour cinq jours dès le 3 juillet en raison d'une hausse des cas de coronavirus. Les Palestiniens tentent de rallier des appuis contre le projet israélien qui fait voler en éclats, selon eux, les accords d'Oslo prévoyant une solution «à deux Etats». Or depuis la signature de ces accords en 1993, la population dans les colonies, jugées illégales par le droit international, a plus que triplé pour dépasser aujourd'hui les 450 000 Israéliens. Plus de 2,8 millions de Palestiniens vivent aussi en Cisjordanie. «Le droit international est clair comme du cristal : l'annexion est illégale. Si Israël va de l'avant, cela témoignera de son mépris cynique du droit international au profit de la loi de la jungle», affirme Saleh Hijazi, d'Amnesty International.
Les Palestiniens se disent prêts à relancer des négociations avec les Israéliens mais pas sur les bases du plan américain. «Nous n'allons pas nous asseoir à une table de négociations où sont proposés l'annexion ou le plan Trump car il ne s'agit pas là d'un plan de paix, mais d'un projet pour légitimer l'occupation», a déclaré à l'AFP le négociateur des Palestiniens Saëb Erakat.
Joe Biden, hostile à l'annexion, pourrait anéantir l'appui américain
Selon l'accord conclu entre Benjamin Netanyahou et son ex-rival Benny Gantz, leur gouvernement d'union pouvait se prononcer à partir du 1er juillet sur l'application du plan américain pour le Proche-Orient, qui prévoit notamment l'annexion par Israël de la vallée du Jourdain et de colonies juives établies en Cisjordanie. Le Premier ministre, proche allié du président Donald Trump, bénéficie d'une «fenêtre» de tir de quelques mois car une victoire en novembre à la présidentielle américaine du démocrate Joe Biden, hostile à l'annexion, pourrait anéantir l'appui américain à ce projet condamné par les Palestiniens.
Benjamin Netanyahou, qui a rencontré le 30 juin à Jérusalem Avi Berkowitz, conseiller spécial de Donald Trump, et David Friedman, ambassadeur américain en Israël, «poursuit ses discussions avec les Américains», ont fait savoir le même jour ses services. Il s'entretient aussi avec de hauts responsables militaires et du renseignement, a ajouté cette source, confirmant sans plus de détails que «d'autres discussions étaient au programme des prochains jours». Benjamin Netanyahou optera-t-il pour une approche maximaliste avec le rattachement à Israël de la vallée du Jourdain et d'une centaine de colonies, ou une approche minimaliste en visant une poignée de colonies ? A moins qu'il ne repousse le projet aux calendes grecques.