Ravivé par les nombreuses manifestations organisées mondialement dans la foulée du mouvement «Black Lives Matter» né aux Etats-Unis, le passé colonial de la Belgique refait surface, et avec lui le débat sur la présence dans le plat pays de nombreuses statues de l'ancien roi des Belges Léopold II, connu pour la colonisation du Congo.
Lors d'une action visant à dénoncer les violences policières et le racisme le 6 juin à Bruxelles (à la veille d'une manifestation ayant rassemblé au moins 10 000 personnes dans la capitale belge), une image de George Floyd – un Afro-Américain tué le 25 mai lors de son interpellation par un policier blanc à Minneapolis – a été projetée sur l'un des monuments présents dans les rues de Bruxelles.
Cette initiative a ravivé le débat sur le déboulonnement des statues de Léopold II, réclamé par certains en Belgique. «Chaque jour où la ville [de Bruxelles] refuse de retirer la statue constitue une nouvelle déclaration selon laquelle la Belgique refuse de faire face aux atrocités racistes de son passé», a par exemple commenté Andrew Stroehlein, responsable médias pour l'ONG Human Rights Watch, qualifiant l'ancien roi des Belges de «meurtrier de masse».
Un portrait géant de George Floyd a également été projeté sur le palais de justice de Bruxelles le 6 juin en fin de manifestation. Les protagonistes entendaient ainsi pointer du doigt des dysfonctionnements au sein de la justice belge.
Une pétition réclame d'«enlever toutes les statues Léopold II»
La projection de l'image de George Floyd sur la statue de Léopold II ne constitue pas le premier acte antiraciste ciblant particulièrement ce personnage historique, dont le Congo fut la propriété personnelle (avant d'être transféré à la Belgique) entre 1885 et 1908. Durant cette période, les exactions furent nombreuses et la cruauté de mise envers la population. Si les chiffres ne font pas consensus au sein des historiens, les estimations maximales font état de plusieurs millions de Congolais tués durant ces 23 années, alors que d'autres spécialistes jugent que les données disponibles à l'époque, notamment en matière de recensement, rendent impossible un bilan précis.
Un buste de Léopold II avait ainsi été vandalisé le 4 juin à Tervuren, près de Bruxelles, au moment où un groupe baptisé «Réparons l'Histoire» exigeait le retrait de toutes ses statues, accusant l'ancien souverain d'avoir exterminé des millions de Congolais.
A Gand, le buste et le visage de l'ancien roi à la longue barbe ont été aspergés de peinture rouge sang le 3 juin et recouverts d'un tissu portant les dernières paroles de George Floyd : «I can't breathe» («Je ne peux pas respirer»).
En outre, la volonté de déboulonner les statues de Léopold II semble connaître une telle popularité qu'une pétition a été lancée le 1er juin, accumulant plus de 57 000 signatures (à 18h30 le 7 juin) et intitulée : «Enlever toutes les statues Léopold II.»
«Malgré tout le mépris qu'il a eu pour la vie et le peuple congolais, Léopold II est toujours commémoré dans toute la Belgique. C'est pour ça que nous demandons à la Ville de Bruxelles d'enlever toute statue en hommage à Léopold II. En commençant par celle sur la place Trône», réclame la pétition aux autorités bruxelloises. Et de continuer : «La Ville de Bruxelles accueille chaque année des millions de touristes et c'est ça qu'on veut [leur] montrer», poursuit la pétition. Et d'ajouter : «Nous mettons comme deadline le 30 juin 2020 : le 60e anniversaire de l'indépendance du Congo.»