Les habitants d'Izmir ont eu droit à une surprise à l'heure de la prière, dans l'après-midi du 20 mai. Les paroles du chant italien Bella Ciao ont jailli des haut-parleurs des minarets dans plusieurs mosquées de la ville balnéaire. Cette chanson d'engagement contre le fascisme est devenue le symbole des militants contre l'oppression politique.
De facétieux inconnus ont piraté le système d'appel à la prière des mosquées de la ville pour faire entendre leur opposition au gouvernement. La ville d'Izmir – troisième métropole de Turquie avec 4,3 millions d'habitants – constitue un bastion de l'opposition au président Recep Tayyip Erdogan, fondateur du parti islamo-conservateur AKP.
La version de Bella Ciao diffusée était celle du groupe contestataire turc Grup Yorum, dont les membres font l'objet de pressions, de nombreuses perquisitions, et sont interdits de concerts depuis 2016. Ses musiciens, harcelés et fréquemment emprisonnés en Turquie, ont entamé une grève de la faim qui a déjà été fatale à deux de ses membres. La chanteuse Helin Bölek a ainsi succombé au 291e jour de privation de nourriture le 3 avril, suivie par le bassiste Ibrahim Gökçek, le 8 mai, après 321 jours de privation de nourriture.
Le 21 mai, les pirates ont diffusé une autre chanson, Yuh Yuh (la huée), de la chanteuse militante Selda Bagçan.
L'artiste de 71 ans a toutefois condamné cet acte provocateur par voie de tweet.
Colère du porte-parole du président turc
La direction locale de l'Autorité des affaires religieuses, la Diyanet, a confirmé l'incident, lancé une enquête et porté plainte auprès de la police. Le parquet d'Izmir a ouvert une enquête et cible également les utilisateurs des réseaux sociaux qui ont loué l'initiative du piratage. Ainsi, l'opposante Banu Ozdemir, figure du Parti républicain du peuple (social-démocrate), a été arrêtée puis entendue par la justice ce 22 mai pour avoir partagé la vidéo sur son compte Twitter.
Omer Celik, le porte-parole de l'AKP, a «vigoureusement condamné» l'acte des pirates, et écrit sur Twitter que «les auteurs de cet acte répugnant ser[aient] retrouvés».