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Madagascar : la décoction «miracle» d'herbes contre le coronavirus ne fait pas l'unanimité

Andry Rajoelina, le président malgache, prône l'utilisation d'une tisane à base de plantes pour lutter contre le Covid-19. L'infusion aurait des vertus préventives et curatives. Le déconfinement partiel a même été décrété depuis le 22 avril.

C’est la rentrée des classes pour les 246 élèves de terminale d'un lycée de Nosy Be, sur l'île de Madagascar. Au programme : distribution de masques lavables et discours des autorités locales sur le respect des mesures barrière. Mais l’arrivée prochaine d'un remède national contre le coronavirus est au centre de toutes les conversations. Pour certains élèves comme Iacine, cette avancée est plutôt réconfortante pour retourner en classe : «Je suis un peu rassurée qu’il y ait déjà un médicament, le Covid-Organics».

Le remède serait constitué de feuilles séchées d’artémisia, une plante qui a fait ses preuves dans le traitement de maladies tropicales et bien connue dans la lutte contre le paludisme. La tisane est produite par l’Institut malgache de recherche appliquée (IMRA).

Le médicament est toujours en cours d'essai clinique. Mais à 600 kilomètres de Nosy Be, à Tananarive, la capitale malgache, le président Andry Rajoelina attribue déjà deux guérisons à ce traitement. Une raison suffisante pour généraliser sa consommation à l’ensemble de la population. En première ligne, les scolaires. Le président de la République est enthousiaste : «Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que nous avons de bons résultats avec ce remède. Il est notre gilet pare-balle dans cette guerre contre le coronavirus. Nous allons le distribuer gratuitement dans les écoles, les collèges et les lycées.»

Cette annonce faite lors du lancement officiel du Covid-Organics le 20 avril a été suivie de vives réactions du monde scientifique. Le professeur Marcel Razanamparany, président de l’Académie nationale de médecine de Madagascar (ANAMEM) met en effet en garde contre des risques dans un communiqué. «Il s’agit de médicaments dont les preuves scientifiques ne sont pas encore élucidées et qui risquent de porter préjudice à la santé de la population, en particulier à celle des enfants», s'inquiète-t-il. «La loi malgache stipule que seuls les professionnels de santé au sein des formations sanitaires et non des structures administratives sont habilités à distribuer des médicaments». 

Certains parents ont le droit de le refuser

Or ce ne sont pas des médecins qui distribuent le Covid-Organics, ni dans le cadre scolaire, ni dans les quartiers. Les directives de la présidence sont claires : les élèves qui refusent de se plier à cette mesure préventive peuvent rester chez eux. Roger Avizara, le proviseur d'un lycée, abonde dans ce sens : «Il faut encourager les élèves à prendre le médicament, mais certains parents ont le droit de le refuser».

Certains parents d’élèves ont en effet tranché sans oser l’affirmer face caméra. Leur enfant restera à la maison si le traitement s’avère être une condition sine qua non à la scolarisation. Le professeur d'anglais de ce même lycée comprend les réticences : «Pour l’instant, il y a des problèmes de confiance par rapport à ce médicament. Des parents disent que ce médicament n’est pas encore testé cliniquement, c’est pour cela qu’ils refusent que leurs enfants le prennent.»

À Nosy Be, les deux uniques cas de coronavirus détectés sont désormais guéris. Le 22 avril, les autorités malgaches ont recensé 121 cas de Covid-19, dont 69 cas en cours de traitement et 52 guérisons.