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Brésil : Bolsonaro rejoint une manifestation anti-confinement, une «tragédie» pour l'opposition

En pleine pandémie, le président brésilien a pris part à une manifestation de plusieurs centaines d'individus réclamant la fermeture du Congrès et une intervention militaire pour mettre fin au confinement, suscitant une vague d'indignation nationale.

Quelques centaines de sympathisants du président brésilien Jair Bolsonaro ont organisé, le 19 avril, plusieurs rassemblements politiques à travers le Brésil, pourtant le pays d'Amérique latine le plus touché par la pandémie de Covid-19, bravant ainsi les mesures de confinement qu'ils dénoncent.

De son côté, le chef d'Etat brésilien a rejoint l'une de ces manifestations qui s'est déroulée devant le quartier général de l'armée dans la capitale, Brasilia, non pour demander à chacun de regagner son domicile et de respecter le confinement... mais pour soutenir les revendications des manifestants. «Je crois qu'au Brésil, nous ne voulons rien négocier...», a alors lancé Jair Bolsonaro, debout à l'arrière d'un pick-up, aux manifestants dont certains brandissaient selon l'AFP des pancartes appelant à une «intervention militaire avec Bolsonaro».

«Je suis ici car je crois en vous et vous êtes ici car vous croyez dans le Brésil», a également hurlé le président à quelques mètres de la foule. Des enfants, des personnes âgées et quelques personnes portant des masques se trouvaient aux premiers rangs du cortège qui a attiré environ 600 personnes, selon l'AFP. «Vous devez lutter pour votre pays. Comptez sur votre président pour faire le nécessaire, afin que nous puissions garantir la démocratie et ce qui nous est le plus cher, notre liberté», a-t-il ensuite clamé.

«Discours de Jair Bolsonaro au QG de l'armée avec beaucoup de soutien populaire», a également relayé sur Twitter Eduardo Bolsonaro, le fils du président, député fédéral de Sao Paulo.

Au cours de son allocution diffusée en direct sur les réseaux sociaux, émaillée de quintes de toux, le président brésilien n'a pas remis en question l'appel à une intervention militaire ou un nouvel acte «AI-5» - «une référence au décret qui, en 1968, avait renforcé la dictature militaire en fermant le Congrès et en donnant les pleins pouvoirs au président», d'après RFI.

Par ailleurs, Jair Bolsonaro critique constamment les dirigeants du Congrès, les gouverneurs et les maires qui défendent les politiques de confinement et de distanciation sociale visant à enrayer la propagation du Covid-19, qui a déjà fait plus de 2 462 victimes et contaminé plus de 38 654 personnes dans le pays, à la date du 19 avril. En outre, le chef d'Etat brésilien minimise la létalité du virus qu'il qualifie de «gripette» et promeut les rassemblements. Il s'est d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises en faveur de la réouverture des commerces et des écoles.

«C'est effrayant de voir des manifestations en faveur du retour d'un régime militaire»

L'intervention du chef de l'Etat a suscité une vague d'indignation et a été condamnée par des responsables politiques ainsi qu'un haut magistrat. «C'est effrayant de voir des manifestations en faveur du retour d'un régime militaire, 30 ans après le retour de la démocratie», s'est inquiété Luis Roberto Barrozo, juge du Tribunal suprême fédéral (STF), dont les propos sont rapportés par l'agence de presse française.

«Il est lamentable de constater que le président adhère à des manifestations anti-démocratiques. Il est temps de faire bloc autour de la Constitution contre toute menace visant la démocratie», s'est indigné sur Twitter l'ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002). Il s'agit de la «recette parfaite pour une tragédie», a pour sa part réagi Gleisi Hoffmann, la présidente du Parti des travailleurs (PT) de l'ancien président Lula.

Par ailleurs, 68% des Brésiliens approuvent le confinement malgré son impact sur l'économie, selon un sondage de l'institut Datafolha publié le 18 avril, un peu moins que début avril (76%). Quelques jours auparavant, Jair Bolsonaro avait congédié, le 16 avril, son ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, avec lequel il était en désaccord au sujet de la lutte contre le coronavirus.