L’Europe a activé pour la première fois le mécanisme de troc Instex pour livrer du matériel médical à l'Iran, lourdement frappé par le Covid-19 sans s'exposer aux sanctions américaines, ont annoncé le 31 mars Berlin et Paris. «La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni confirment qu'Instex a mené avec succès sa première transaction et permis ainsi l'exportation de matériel médical d'Europe vers l'Iran», a déclaré le ministère allemand des Affaires étrangères dans un communiqué.
«Instex va travailler sur d'autres transactions» avec l'Iran et «continuer de développer ce mécanisme», a ajouté la diplomatie allemande sans plus de précisions.
Téhéran a signalé, le 14 mars, avoir reçu des équipements médicaux ou une aide financière de nombreux pays dont l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne et salué les «amis» dans l'épreuve. La pandémie de coronavirus touche désormais selon les chiffres officiels du pays plus de 40 000 personnes et a fait 2 757 morts en Iran.
Du matériel non lié à l'épidémie de Covid-19
Le matériel livré via Instex n'est pas lié au Covid-19, a toutefois précisé une source européenne, en notant que la transaction était dans les tuyaux depuis décembre, soit avant la propagation du coronavirus. L'identité des fournisseurs n'a pas, à leur demande, été dévoilée la nature exacte du type de biens fournis.
L'économie iranienne pâtit fortement des sanctions édictées par Washington, qui peuvent frapper toute banque ou entreprise commerçant avec Téhéran, y compris non américaine, dès lors qu'elle opère en dollars ou exerce des activités aux Etats-Unis.
Instex a pour but d'encourager le commerce de biens non sanctionnés, notamment les produits pharmaceutiques, dans lequel les entreprises hésitent aussi à s'aventurer, par peur de se retrouver dans le viseur américain. Il exclut en revanche les exportations de pétrole, première source de revenus de l'Iran, qui restent frappées d'interdit par Washington.
Une lente mise en place du système
Ce mécanisme a été créé par Paris, Berlin et Londres, cosignataires de l'accord sur le nucléaire iranien, en réponse à la sortie fracassante des Etats-Unis de ce texte, en mai 2018, et la réintroduction de lourdes sanctions américaines contre l'Iran. Il fonctionne comme une chambre de compensation et permet à des entreprises occidentales de commercer avec l'Iran sans s'exposer aux foudres des sanctions américaines.
Créé en janvier 2019, ce mécanisme a tardé à se concrétiser, les Européens et l'Iran se renvoyant la responsabilité de ce retard. Paris, Berlin et Londres espèrent que le processus est désormais sur les rails et que d'autres transactions seront possibles, moyennant liquidités, relève la source européenne.
L'Iran reproche de son côté aux Européens de ne pas assez compenser le manque à gagner induit par les sanctions américaines sur son économie, et veut recommencer à exporter du pétrole sans entraves. Faute de contreparties, Téhéran a commencé à se désengager en 2019 de l'accord de Vienne qui visait à l'empêcher d'accéder à l'arme atomique en échange d'une levée des sanctions occidentales, et de sa sortie de l'isolement politique et économique.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a aussi tiré la sonnette d'alarme le 3 mars, reprochant à l'Iran son manque de transparence sur ses activités nucléaires, et l'impossibilité d'accéder à deux sites suspects. Les Européens ont pour leur part levé leurs sanctions, a rappelé Paris, en exhortant l'Iran «à revenir au respect de ses obligations nucléaires» et à «coopérer pleinement avec l'AIEA».