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Déçus par l'impasse politique, les Etats-Unis décident de couper l'aide à l'Afghanistan

Face aux dissensions au sein du gouvernement afghan qui fragilise l'accord de paix historique américano-taliban, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, annonce une réduction de l'aide à l'Afghanistan d'un milliard de dollars.

Un milliard de dollars en moins. Cette nouvelle sonne comme un coup de tonnerre au sein du gouvernement afghan, dont 80% du budget de l'Etat dépend de l'aide extérieure. La cause de cette lourde sanction ? L'incapacité pour le président afghan Ashraf Ghani et l'ex-chef de l'exécutif Abdullah Abdullah (qui s'est lui aussi autoproclamé vainqueur de l'élection présidentielle du 28 septembre) à former un gouvernement d'union.

Ce mardi 24 mars, Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah n'ont toujours annoncé aucun compromis, et ce malgré l’annonce par Washington. Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a rendu visite éclair à Kaboul la veille, avec pour objectif d'aider à mettre fin à la crise politique afghane. Le chef de la diplomatie américaine «a créé une occasion de régler la crise en cours, mais elle n'a pas été utilisée correctement», a réagi Abdullah Abdullah, l’ex-chef de l'exécutif. De son côté le président Ashraf Ghani, officiellement réélu en février, a déclaré dans un discours télévisé que son rival avait demandé un« amendement de la Constitution (...) en une nuit», une requête à laquelle le gouvernement afghan ne pouvait donner suite. 

C'est donc après l'échec de son intervention à Kaboul que Mike Pompeo a annoncé que l'aide américaine à l'Afghanistan serait immédiatement réduite d'un milliard de dollars. Selon un communiqué du département d'Etat américain publié ce lundi 23 mars : «Cet échec pose une menace directe pour les intérêts nationaux américains.» Devant l'impasse, Mike Pompeo annonce également être prêt à couper un milliard supplémentaire en 2021 en ajoutant que «les Etats-Unis sont déçus par eux et ce que leur attitude signifie pour l'Afghanistan et [nos] intérêts partagés».

Face à cette situation Ashraf Ghani a tenté de rassurer la population afghane, assurant que «la réduction de l’aide américaine n'aura aucun impact direct sur les secteurs clefs» car le gouvernement «a des plans pour les situations inattendues».

Cette baisse de l'aide financière de Washington intervient à un moment critique dans l’histoire de l'Afghanistan, confronté au nouveau coronavirus, à une offensive des Taliban, au retrait des troupes américaines ainsi qu'à cette crise politique qui retarde l’ouverture de discussions entre Kaboul et les insurgés. 

Comme le rappelle Emmanuel Dupuy, président de l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) au micro de RT France le 28 février dernier, «ce n'est pas la première fois que ça arrive, Abdullah Abdullah avait déjà contesté les élections en 2014 et même en 2009, il en est à sa troisième contestation (...) là, il est dans une logique où il ne veut absolument pas céder le moindre mètre». Si les actions américaines sont si lourdes, c'est que l'incapacité des Afghans à former un gouvernement inclusif fragilise l'accord de paix américano-taliban signé le 29 février dernier à Doha qui prévoit notamment la mise en place d'un dialogue intra-afghan. Le gouvernement afghan rechigne à appliquer cet accord de paix car comme l'explique Emmanuel Dupuy, «les Afghans ne se reconnaissent pas dans ce processus, ils n'ont pas eu leur mot à dire sur les termes de cet accord». 

Un retrait des troupes américaines coûte que coûte 

Même si la situation sur place semble loin d'être stabilisée, «le retrait des troupes américaines entamé après l'accord de paix se poursuivra comme prévu» a souligné Mike Pompeo. C'était une promesse de campagne de Donald Trump après plus de 18 ans de guerre, la plus longue de l'histoire américaine. Le retrait progressif sous 14 mois des forces américaines va donc continuer, à condition que les insurgés tiennent leurs engagements sécuritaires.