La France a tardé à prendre en compte l'intérêt des drones aériens dans les opérations militaires et doit s'assurer de disposer d'une filière de recrutement et de formation adaptée pour répondre aux besoins croissants, estime la Cour des comptes dans son rapport annuel le 25 février.
Alors que les Américains faisaient déjà voler leurs Predator dans le ciel afghan au début des années 2000 et que de plus en plus d'armées dans le monde se dotaient de drones, «la France a tardé […] à s'équiper, du fait de projets ponctuels, conduits sans vision stratégique cohérente sur le long terme», regrette la Cour des comptes. «L'effet conjugué des mésententes entre industriels, du manque de vision prospective des armées et des changements de pied des pouvoirs publics ont eu pour conséquences, dommageables et coûteuses, de prolonger la durée de vie de matériels vieillissants», qui se voulaient à l'origine «intérimaires», note-t-elle.
Pour faire face aux besoins, Paris a notamment été conduit en 2013 à acheter aux Etats-Unis «sur étagère» six drones Reaper (MALE, haute altitude longue endurance), une décision «critiquée en particulier en raison des atteintes à l'autonomie stratégique et industrielle de la France qu'elle comportait». L'Armée de l'air, qui ne dispose plus que de cinq Reaper, doit en recevoir six autres à partir de cette année, équipés de missiles américains Hellfire.
Le projet de drone européen Eurodrone à la peine
Mais les tentatives pour faire émerger une filière de drones MALE nationale ou européenne ont jusqu'ici échoué : projets EuroMALE (2004), Talarion (2006), Telemos (2010). Le résultat est sans appel : les armées européennes sont aujourd'hui dotées de drones américains ou israéliens.
Une nouvelle tentative est en cours avec le projet Eurodrone en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Mais il y a «des signaux d'incertitude sur la capacité du projet à aboutir» en raison de son coût et de besoins opérationnels différents, selon la Cour.
Lancé en 2015 et censé être opérationnel à partir de 2028, le projet de drone européen Eurodrone est à la peine : les négociations tendues entre Etats et industriels achoppent sur les performances attendues et le coût du programme, et pose le problème du «prix de la souveraineté». Car l'Eurodrone ne se fera pas à n'importe quel prix, met en garde depuis plusieurs mois le ministre des Armées, Florence Parly. «Des négociations rugueuses sont en cours avec l'industrie», résumait le délégué général à l'Armement (DGA) français Joël Barre devant les sénateurs en octobre.
La montée en puissance est malgré tout réelle: l'Armée de l'air disposera de 12 drones MALE d'ici à 2025, 24 en 2030, la Marine doit avoir un drone par navire en 2030 et l'Armée de terre recevoir à partir de cette année 14 drones tactiques Patroller et 105 mini-drones Spy'Ranger.
Les ressources humaines sont donc un «enjeu majeur de transformation». Les effectifs dédiés aux drones doivent doubler d'ici à 2022, de 160 à plus de 300, et une filière spécifique a été créée.
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