La défense de Julian Assange a accusé le 25 février Washington de fonder les poursuites pour espionnage visant le fondateur de Wikileaks sur des «mensonges», au deuxième jour de l'examen par la justice britannique de la demande d'extradition américaine.
L'Australien de 48 ans est poursuivi aux Etats-Unis pour avoir diffusé à partir de 2010 plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Poursuivi en vertu des lois anti-espionnage de 1917 et pour piratage informatique, il risque jusqu'à 175 ans de prison. Mais les 18 chefs de poursuite contre Julian Assange, arrêté en avril après sept ans passés reclus à l'ambassade d'Equateur, sont fondés sur «des mensonges, des mensonges et encore des mensonges», a accusé l'un des avocats du fondateur de Wikileaks, Mark Summers. «Il est difficile d'imaginer un exemple aussi évident de demande d'extradition qui déforme autant les faits tels qu'ils sont connus par le gouvernement américain», a-t-il fait valoir dans une salle d'audience de la cour de Woolwich à Londres.
Hier, Julian Assange a été menotté onze fois, mis à nu deux fois
L'avocat représentant les Etats-Unis a rétorqué en décrivant le tableau brossé par la défense comme une «série d'inexactitudes sur la manière dont l'acte d'accusation est formulé» et une «déformation» des faits reprochés à Julian Assange. Pour statuer sur la demande d'extradition, dont l'examen se tient cette semaine puis trois autres semaines à compter du 18 mai, la justice britannique doit notamment s'assurer qu'elle n'est pas disproportionnée ou incompatible avec des droits de l'Homme.
Dans son box, le fondateur de WikiLeaks est apparu fatigué après des heures d'audience. «Julian Assange a des difficultés, il a du mal à se concentrer», a expliqué un membre de son équipe de défense. En début d'audience le 25 février, la défense a protesté contre le traitement qui lui est infligé. «Hier [le 24 février], Julian Assange a été menotté 11 fois, mis à nu deux fois» à la prison de Belmarsh où il est détenu, a protesté l'un de ses conseils, Edward Fitzgerald. Un tel traitement pourrait «affecter cette procédure», a mis en garde l'avocat, demandant à la juge Vanessa Baraitser de donner instruction aux autorités pénitentiaires d'assouplir les mesures autour d'Assange. La magistrate a rétorqué que ses pouvoirs à cet égard sont «limités», et qu'elle ne peut pas ordonner aux autorités carcérales comment traiter les détenus, ajoutant qu'elle attendait que Julian Assange soit traité de manière juste, comme n'importe qui d'autre. L'avocat du gouvernement américain a abondé dans ce sens, soulignant qu'il ne voulait pas que le traitement d'Assange ne «compromette» la procédure.
Les membres de WikiLeaks exclus temporairement du public
Autre élément qui a posé question sur le déroulement de ce procès : au deuxième jour, les membres de la rédaction de WikiLeaks ont été temporairement écartés de la salle d'audience. «Quelques minutes avant le début des audiences, j'ai été appelé par les autorités [...] et on m'a indiqué que le tribunal avait décidé de nous interdire à tous la galerie du public», a déclaré Kristinn Hrafnsson, le rédacteur en chef de WikiLeaks. «On ne m'a donné aucune raison. [...] je suis absolument indigné par cette décision mais cela ne me surprend pas, cela n'améliore pas ma foi en la justice de ce pays où les gens sont mis à l'écart pour l'audience la plus importante concernant l'avenir de Wikileaks, le sort de Julian Assange ainsi que celui du journalisme», a-t-il ajouté.
Qui a mis des vies en danger ?
WikiLeaks a travaillé initialement avec des journaux de renom pour publier les fuites provenant du Département d'Etat américain et du Pentagone, qui ont fait sensation et scandalisé Washington. Selon l'avocat de la défense Mark Summers, ce partenariat noué avec les médias avait conduit à un processus rédactionnel rigoureux, incluant un travail avec des responsables américains pour s'assurer que l'identité de sources ne soit pas publiée.
L'avocat a affirmé que dans un livre publié en 2011, c'est un journaliste du Guardian qui avait révélé le mot de passe permettant d'accéder à une base de données de nom de sources non-expurgée. Il a expliqué qu'Assange avait appelé la Maison Blanche pour alerter des responsables américains de la publication imminente sur différents site, en leur disant : «Si vous n'agissez pas, la vie de gens se retrouvera mise en danger». Ainsi, dire qu'Assange «a délibérément mis des vies en danger en lâchant une base de données non-expurgées [comme l'avait fait la veille le représentant des Etats-Unis] est sciemment inexact», a-t-il plaidé.
Sur son site internet, le Guardian, «opposé à l'extradition de Julian Assange», a déclaré qu'il était «entièrement faux» de dire que le livre avait «mené à la publication de dossiers américains non-expurgés». «Le livre contenait un mot de passe dont Julian Assange avait dit aux auteurs qu'il était temporaire et devait expirer dans les heures qui suivaient», selon le quotidien.