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Mesure anti-discrimination ou censure? Les Suisses votent par référendum une loi contre l'homophobie

Les électeurs suisses ont voté à 63 % pour un texte criminalisant l'homophobie, qui fait débat même au sein des LGBT. Défendue par la gauche, cette loi est contestée avec virulence par une partie de la droite qui y voit une forme de censure.

Appelés aux urnes ce 9 février, les Suisses ont largement approuvé par référendum une loi interdisant «la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle».

Les résultats nationaux donnent le «oui» à 63%, avec des scores dépassant 70% dans des villes comme Genève ou Bâle. Seuls trois petits cantons germanophones du centre et de l'Est du pays ont accordé une courte majorité au «non».

La nouvelle loi anti-homophobie élargit une législation déjà existante en matière de lutte contre les discriminations et les appels à la haine raciale ou religieuse, en l'étendant à l'orientation sexuelle.

Cette réforme du Code pénal, adoptée en 2018, s'est heurtée à l'opposition des conservateurs qui ont lancé ce référendum dans l'espoir de faire barrage à une forme, selon eux, de «censure» et d'atteinte à la «liberté d'expression, de conscience et de commerce».

Amendes et peines de prison

Les partisans du texte se sont notamment appuyés sur le fait que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle était déjà sanctionnée dans d'autres pays européens, et que le Conseil de l'Europe comme l'ONU avaient demandé à la Suisse de renforcer son arsenal contre l'homophobie.

Le nouveau dispositif «renforce la protection contre la discrimination sans violer la liberté d'expression», font valoir les partisans du texte dans leur argumentaire.

La nouvelle loi punit le «dénigrement public» et la «discrimination de toute personne en raison de son orientation sexuelle», ou toute attitude visant à attiser la haine à son égard, par l'écrit, la parole, des images ou des gestes.

Elle ne réprime en revanche pas les propos tenus dans le cercle familial ou entre amis, par exemple à la table d'un café.

Les restaurants, hôtels, entreprises de transports, cinémas ou piscines ne pourront pas refuser l'accès de quelqu'un en raison de son orientation sexuelle. Le texte prévoit des amendes ou des peines pouvant aller jusqu'à trois ans de prison.

Une partie de la droite contre, les milieux LGBT divisés

Mathias Reynard, le parlementaire socialiste à l'origine de cette réforme du Code pénal helvétique, a salué sur la chaîne RTS-1 «un jour historique» et un «signal magnifique pour toutes les personnes concernées». 

Marc Frueh, du petit parti Union démocratique fédérale (UDF), qui se présente comme défenseur des valeurs chrétiennes et a lancé ce référendum avec le soutien de l'Union démocratique du centre, premier parti du pays, a estimé que le recours au vote était justifié malgré son échec.

Ce référendum «a permis au peuple suisse de prendre une décision», a-t-il déclaré sur la même chaîne. Il a toutefois ajouté que sa formation resterait vigilante sur l'application de la réforme. L'UDC a réagi de manière identique.

Au sein des milieux LGBT aussi, le texte suscite la polémique. Certains craignent qu'une protection spéciale ne stigmatise davantage leur communauté. «Je me bats pour l'acceptation et la normalisation de ma sexualité. Mais pour moi, la normalisation signifie aussi ne pas exiger de droits spéciaux», a fait valoir avant le vote Michael Frauchiger, co-président du comité «Droits spéciaux NON !».

Les autres partis ont estimé que la protection contre la discrimination en raison de l'orientation sexuelle était insuffisante en Suisse, et appelé à voter «oui» à la réforme.

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