«Si nous voulons gagner notre souveraineté citoyenne, nous devons l'inscrire par nous-même». Issus des quatre coins du pays et de la diaspora, 450 citoyens algériens «indépendants et volontaires» travaillent depuis le début du Hirak, le mouvement de contestation né le 22 février 2019, à écrire une Constitution de transition en vue de mettre en place une Assemblée constituante. Le résultat : un texte structuré en six titres et 29 chapitres «mi-boîte à idée, mi-cahier des charges», publié ce 20 juin destiné à servir de base au reste des citoyens qui veulent s'en saisir pour le finaliser. Et pour le porter, il existe un collectif baptisé Mechmoul, acronyme en arabe de «Projet citoyen pour une transition en Algérie».
Dès le début du Hirak, qui a mis des millions de personnes dans les rues chaque semaine, et a conduit à un bouleversement de la vie politique, d'innombrable pancartes et slogans appellent à la restitution du «pouvoir au peuple» et à l'instauration d'une Assemblée constituante. Les personnes à l'initiative de Mechmoul font partie de ces forces de propositions. Entrées en contact entre elles via les réseaux sociaux et dans les manifestations, elles ont organisé des débats et des ateliers constituants dans la rue, dans des cafés, chez les uns, chez les autres, via internet, sans autres cadre que celui de leur motivation à être force de proposition, et pas seulement de contestation.
Dans l'avant-propos, les auteurs/compilateurs de la Constitution de transition expliquent les raisons de leur démarche : «La période de transition ne doit en aucun cas être improvisée ou dictée par le système duquel nous cherchons à nous défaire. Si nous voulons une vraie démocratie et un état de droit, il est primordial que les citoyens encadrent la période transitoire, qu’ils en dessinent les contours et en écrivent le contenu, afin que la future constitution aménage les droits et libertés mais aussi le pouvoir aux citoyens à travers de véritables leviers démocratiques.»
Redéfinir les règles de représentation politique en instaurant la reddition des comptes obligatoire, le droit de révocation des élus, le droit d'abrogation des lois par référendum populaire : les Gilets jaunes en ont rêvé, ces Algériens l'ont écrit.
Si le texte publié par le groupe Mechmoul dans les trois langues utilisées dans le pays (arabe, tamazight et français) paraît déjà très avancé, les autres citoyens algériens sont invités à y apporter leur contribution à travers les pages Facebook dédiées (Mechmoul et Ecris ta Constitution) et le site internet du projet qui proposeront des forums de discussion dédiés.
De son côté, le nouveau président algérien Abdelmadjid Tebboune, élu au premier tour lors de l'élection du 12 décembre, avait annoncé le 8 janvier la création d'un Comité d'experts chargé de formuler des propositions pour une révision constitutionnelle. Il ne s'agit donc pas d'une Assemblée populaire constituante, telle que voulue par les citoyens et notamment ceux du collectif Mechmoul. Le président algérien a également fait savoir que l'amendement de la Constitution serait soumis au référendum populaire après avoir fait l'objet de «larges consultations auprès des acteurs de la vie politique et de la société civile avant d'être déposé, suivant les procédures constitutionnelles en vigueur, auprès du Parlement pour adoption». Début janvier, lors du dernier Conseil des ministres, le président Tebboune avait affirmé que l'édification de l'Algérie à laquelle aspirent les citoyens impliquait la «reconsidération» du système de gouvernance à travers un «profond amendement» de la Constitution, de même que certains textes de loi importants, à l'instar de la loi électorale.