International

Ce que l'on sait (et ne sait pas) de la fuite de Carlos Ghosn au Liban

Ce 30 décembre, l'ancien PDG de Renault-Nissan a quitté le Japon pour rejoindre le Liban, son pays natal, échappant ainsi à la justice japonaise. Mais des zones d'ombre persistent, notamment sur les conditions de son voyage.

Carlos Ghosn devait terminer l'année 2019 au Japon, ce sera finalement au Liban. Contre toute attente, l'ancien patron de Renault et Nissan a fui le Japon où il était assigné à résidence pour se rendre à Beyrouth, la capitale du Liban, son pays de naissance. Objectif : échapper à la justice d'un pays où il avait été arrêté le 19 novembre 2018 et où il fait l'objet de quatre inculpations : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi pour ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé. 

Il est au Liban avec sa femme

Que sait-on de cette fuite ? Une chose est sûre : le chef d'entreprise libano-brésilo-français est bien au Liban. S'il n'a pas été photographié sur place, il a publié un communiqué pour confirmer avoir quitté Tokyo. «Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l'otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité. Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice», a-t-il déclaré après son périple. Selon une source dans son entourage contactée par l'AFP, il est en compagnie de sa femme.

Il ne devrait pas être expulsé

Carlos Ghosn a peu de chances d'être expulsé. En effet, il n'existe pas de traité d'extradition entre le Japon et le Liban. En outre, la Direction générale de la sûreté générale a affirmé qu'aucune mesure n'imposait «l'adoption de procédures à son encontre» et que «rien ne l'exposait à des poursuites judiciaires».

Le Liban a toutefois adressé plusieurs lettres officielles au gouvernement japonais concernant Carlos Ghosn, qui sont restées sans réponse.

La France n'était pas au courant

Ce 31 décembre, le ministre de l'Intérieur a réagi à cette fuite rocambolesque. «Ce que je sais, c'est que personne, quelle que soit sa nationalité, ne doit s'exonérer de la bonne application de la loi», a déclaré Christophe Castaner en marge d'un déplacement dans les Yvelines.

L'ancien PDG de l'alliance Renault-Nissan «n'est pas au-dessus des lois», avait déjà affirmé dans la matinée la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie Agnès Pannier-Runacher.

«C'est un ressortissant libanais, brésilien et français et le soutien consulaire lui est acquis comme [à] tous les Français», avait-elle ajouté sur France Inter. 

Le ministère français des Affaires étrangères a assuré avoir appris «par la presse» l'arrivée de Carlos Ghosn au Liban et n'avoir «aucune connaissance» des circonstances de sa fuite.

Consternation au Japon

Au Japon, c'est la stupéfaction. Si le gouvernement n'a pas réagi officiellement, il prévoirait de placer le fugitif sur la liste rouge d'Interpol, selon France 2. Le tribunal de Tokyo a par ailleurs décidé de lui retirer sa liberté sous caution. Cela signifie que Carlos Ghosn ne récupérera pas la caution totale de 1,5 milliard de yens [plus de 12 millions d'euros] versée en deux temps pour sortir de prison au printemps dernier. Parmi les principaux surpris... l'avocat japonais de Carlos Ghosn. «C'est une surprise totale, je suis abasourdi», a déclaré aux médias Junichiro Hironaka.

Le pays du Soleil-Levant se demande toujours comment l'homme d'affaires a fait pour quitter son territoire, alors qu'il était sous contrôle judiciaire et assigné à résidence, ses passeports ayant été confisqués.

Les conditions de sa fuite sont floues

Principale zone d'ombre du dossier : comment a-t-il fait pour quitter le Japon dans le plus strict anonymat ? Il serait arrivé à Beyrouth le 30 décembre «à l'aube», selon le ministère des Affaires étrangères, dans un communiqué publié par l'agence de presse libanaise ANI.

Selon une source à la présidence libanaise, Carlos Ghosn aurait d'abord atterri en Turquie avant de rejoindre le Liban. Il disposait, selon cette même source, d'un passeport français et de sa carte d'identité libanaise. 

Un temps, la chaîne de télévision MTV Liban a expliqué que l'homme d'affaires avait fait venir un groupe de musique chez lui pour repartir à leurs côtés... caché dans une malle destinée au transport d’un instrument. Un scénario démenti ensuite à l’AFP par une source de l’entourage de Carlos Ghosn.

Lire aussi : «Mal absolu», «arrogance» : les actionnaires de Nissan votent la destitution de Carlos Ghosn