A trois semaines de l'élection présidentielle prévue le 12 décembre, les protestataires mobilisés depuis neuf mois en Algérie ont décidé d'intensifier leur mobilisation. Après une première manifestation nocturne à Alger le 20 novembre, qui s'est soldée par une centaine d'arrestations dont 29 inculpations, une deuxième manifestation s'est tenue dans la nuit du 21 novembre.
Lors de cette deuxième soirée, plus de 80 personnes ont été arrêtées à Alger, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD). «La grande majorité des personnes arrêtées» a été «embarquée vers des commissariats» dans des banlieues de la capitale, assure le CNLD. Un appel sur les réseaux sociaux invite la population à sortir chaque soir, et plus seulement les mardis et vendredis comme c'était le cas jusque là.
Lors de ces manifestations nocturnes, des centaines de jeunes, principalement des hommes, scandaient : «Non au vote !», «on jure qu'il n'y aura pas de vote !». A l'issue du premier rassemblement nocturne, les manifestants ont toutefois été rapidement dispersés par des policiers en tenue anti-émeutes. Parmi les arrestations, 29 personnes ont été inculpées, notamment pour «attroupement non autorisé», dont huit, inculpées également «d'association de malfaiteurs». Elles ont été placées en détention provisoire.
Si les protestataires refusent l'élection à venir, dont la campagne a été lancée le 17 novembre, c'est par rejet total du pouvoir en place auquel ils ne font pas confiance pour organiser le moindre scrutin. Pour eux, il ne s'agit, à travers ces élections, que de recycler un système dont ils ne veulent plus. En effet, les cinq candidats qui se sont présentés ont tous, à un moment ou à un autre été au service de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir pendant 20 ans, poussé à la démission par la rue début avril.
Le Hirak (le mouvement de protestation) exige le démantèlement du «système» tout entier et son remplacement par des institutions de transition. Si des initiatives d'auto-organisation politique fleurissent ici et là, la structuration d'une véritable force d'opposition peine à voir le jour. Le processus de changement semble devoir prendre du temps et les protestataires n'entendent pas se faire voler leur soulèvement par l'élection d'un président issu de l'ancien système.
Le chef de l'armée en appelle aux «enfants fidèles» de l'Algérie
De son côté, le haut commandement militaire, incarné par le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, homme fort du pays, rejette catégoriquement les revendications du Hirak et toute autre sortie de crise que l'élection du 12 décembre.
Gaïd Salah en a ainsi appelé le 20 novembre aux «enfants fidèles» de l'Algérie et à leur «devoir envers la Patrie» lors de la présidentielle du 12 décembre. «L'Algérie, qui est capable de choisir la personne qui la dirigera dans la prochaine étape, fait appel à ses enfants fidèles dans ces circonstances particulières», a déclaré le général. «J'insiste sur le mot fidèles, ces fidèles qui sont très nombreux sur tout le territoire national», a poursuivi Ahmed Gaïd Salah, comme pour les opposer à ceux qui rejettent massivement le scrutin. Il a en outre évoqué «le rôle de sensibilisation des médias, des mosquées, des zaouïas [confréries soufies] et des imams» dans la sensibilisation nécessaire, selon lui, de la population à ce dessein.