Dans un communiqué diffusé ce 1er novembre, le rapporteur de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, a exprimé son «inquiétude face à la dégradation continue de la santé de Julian Assange depuis son arrestation et son placement en détention», ajoutant que «sa vie était en danger». «A moins que le Royaume-Uni ne change d’urgence de cap et ne soulage sa situation inhumaine de toute urgence, Julian Assange continuera d’être exposé à l’arbitraire et aux violations de ses droits qui pourraient bientôt lui coûter la vie», a fait valoir l’expert indépendant de l’ONU.
Arrêté le 11 avril dernier alors qu’il se trouvait dans l’ambassade d’Equateur à Londres depuis sept ans, Julian Assange purge une peine de 50 semaines de prison pour violation des conditions de sa liberté provisoire. Il est actuellement incarcéré au pénitencier de haute sécurité de Belmarsh à Londres. Le ressortissant australien est accusé d’espionnage par les Etats-Unis, où il encourt une peine allant jusqu’à 175 ans de prison, qui ont demandé son extradition. La justice britannique a fixé l'audience décisive à février 2020.
Les Britanniques font la sourde oreille
L’expert de l’ONU avait rendu visite en mai, accompagné de médecins, au fondateur de WikiLeaks dans sa prison londonienne, soit un mois après son arrestation. Il s’était alors inquiété des «maux physiques» dont souffrait Julian Assange, assurant qu’il présentait «tous les symptômes typiques d’une exposition prolongée à la torture psychologique» ainsi qu’une «anxiété chronique et des traumatismes psychologiques intenses». En conséquence, il avait exigé des mesures immédiates afin de protéger la santé et de préserver la dignité de Julian Assange.
Malgré l’urgence médicale de mon appel et la gravité des violences alléguées, le Royaume-Uni n’a pris aucune mesure d’enquête, de prévention ou de réparation requises par le droit international.
Dans son communiqué, Nils Melzer a regretté de n’avoir reçu aucune réponse satisfaisante de la part des autorités britanniques depuis. «Ce que nous avons vu de la part du gouvernement britannique est un mépris total pour les droits et l’intégrité de Julian Assange […] Malgré l’urgence médicale de mon appel et la gravité des violences alléguées, le Royaume-Uni n’a pris aucune mesure d’enquête, de prévention ou de réparation requises par le droit international». Le professeur de droit international a néanmoins assuré avoir reçu une réponse «sommaire» de la part des Britanniques, «près de cinq mois après» sa visite, dans laquelle le gouvernement a «catégoriquement rejeté [ses] conclusions, sans indiquer sa volonté d’examiner [ses] recommandations, et encore moins de les mettre en œuvre ou de fournir les compléments d’information demandés».
L'Etat de droit menacé ?
Pour le rapporteur de l’ONU, Julian Assange «continue d’être détenu dans des conditions d’oppression, d’isolement et de surveillance, non justifiées par son statut de détenu». «Malgré la complexité des procédures engagées contre lui par le gouvernement le plus puissant du monde, l’accès de Julian Assange à un conseil et à des documents juridiques a été sérieusement entravé, sapant ainsi son droit le plus fondamental de préparer sa défense», a souligné Nils Melzer.
Enfin, l’expert a noté «un arbitraire flagrant et soutenu dont ont fait preuve tant le pouvoir judiciaire que le gouvernement dans cette affaire» qui laisse «présager d’un écart alarmant par rapport à l’engagement du Royaume-Uni en faveur des droits de l’Homme et de l’Etat de droit». Le rapporteur a vivement recommandé que «l’extradition de Julian Assange soit interdite, qu’il soit libéré rapidement et autorisé à recouvrer la santé et à reconstruire sa vie personnelle et professionnelle».
Le 21 octobre, l’Australien de 48 ans était apparu passablement fatigué et désorienté lors d’une audience à Londres, sa première apparition publique depuis son arrestation. Il avait même semblé éprouver des difficultés à se rappeler sa date de naissance. Il s’était également plaint de ses conditions de détention.
Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 et s’est fait connaître en juillet 2010 après avoir diffusé The Afghan War Diary, agrégat de 91 000 documents militaires américains sur la guerre en Afghanistan. L’organisation avait répété l’opération le 23 octobre 2010 avec la mise en ligne de 391 832 documents secrets sur la guerre en Irak, révélant la mort de plus de 65 000 civils ainsi que le recours à la torture dans différents centres de détention. Enfin, entre novembre 2010 et septembre 2011, elle avait rendu publics plus de 250 000 télégrammes de la diplomatie américaine, opération connue sous le nom de Cablegate. A la fin du mois de mai, la justice américaine avait ajouté plusieurs chefs d’accusation à son acte d’inculpation, dont la plupart portaient sur des violations des lois contre l’espionnage, ce qui avait suscité une levée de boucliers chez les défenseurs de la liberté de la presse mais aussi le soutien de certains Gilets jaunes.
Alexis Le Meur