Lundi 16 septembre
L'universitaire sans parti politique Kais Saied arrive en tête du premier tour de la présidentielle tunisienne avec 19% des voix, selon des résultats officiels préliminaires portant sur 27% des suffrages, a annoncé ce 16 septembre l'Instance des élections (Isie).
Le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, dont le candidat Abdelfattah Mourou est donné troisième à la présidentielle en Tunisie par deux sondages, a déclaré attendre les résultats officiels avant de se prononcer. «Seule l'Instance des élections (Isie) donne les résultats», a souligné le député d'Ennahdha Samir Dilou, également directeur de campagne de Abdelfattah Mourou.
Dimanche 15 septembre
«Je suis le premier du premier tour, et si je suis élu président j'appliquerai mon programme», a déclaré Kais Saied à l'AFP, dans un petit appartement délabré du centre de Tunis, entouré d'une quinzaine de personnes ayant participé à sa campagne. Cet indépendant sans parti politique a un credo «anti-système» et très conservateur, comme le rappelle l'AFP. Kais Saied propose un changement de système en changeant d'institutions : réforme de la Constitution et des modes de scrutins, décentralisation «afin que la volonté du peuple parvienne jusqu'au pouvoir central et mette fin à la corruption», a-t-il fait valoir durant sa campagne.
Salwa Smaoui, l’épouse de Nabil Karoui s'est exprimée au QG de son mari. «Ce vote exprime la volonté de changement souhaité par le peuple. […] Je souhaite que le second tour se déroule dans le respect et une éthique fondamentale pour ce processus», aurait-elle déclaré selon le média Jeune Afrique.
Selon un journaliste de RFI, elle a également «réclamé de nouveau la libération» du candidat.
«Nous espérons qu'il sera libéré demain et qu'il puisse mener campagne de façon équitable», a déclaré l'épouse de Nabil Karoui, Salwa Smaoui, devant la presse, avant de lire une lettre écrite par son mari.
«Nous espérons pour ce second tour que l'injustice cesse et que la compétition électorale soit équitable envers les deux candidats, avec un respect total de la Constitution, des lois et de la volonté des citoyens et des électeurs», a-t-elle lu.
D'après des sondages, effectués par les instituts tunisiens Sigma Conseil et Emrhod, Kais Saied obtient 19% des voies et Nabil Karoui environ 15%.
Le candidat du parti islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou, arrive troisième avec 11 à 12% des voies. Désavoué, le Premier ministre Youssef Chahed, obtiendrait entre 7 et 8% des suffrages.
Le taux de participation au scrutin est de 45,02% au premier tour.
Le candidat anti-système Kais Saied dit être en tête du 1er tour.
Ce juriste réputé conservateur, qui mène un mode de vie ascétique et ne s'exprime qu'en arabe littéraire, entend réviser la Constitution pour instaurer «de nouveaux rapports de confiance entre peuple et gouvernants», comme il l'a affirmé lors d'une interview à Jeune Afrique le 11 septembre.
«Ma victoire est une grande responsabilité pour changer la frustration en espoir […] c’est une nouvelle étape dans l’Histoire tunisienne […] c’est comme une nouvelle révolution», a-t-il déclaré après avoir revendiqué la première place dans le scrutin.
Le porte-parole de Nabil Karoui, incarcéré depuis le mois dernier, affirme que son candidat est qualifié pour le second tour du scrutin.
Nabil Karoui, 56 ans, est le fondateur de l'une des principales chaînes de télévision privées tunisiennes, Nessma. Il est en détention préventive depuis le 23 août dernier, soupçonné de blanchiment et fraude fiscale.
Il s'est construit une popularité depuis plusieurs années en organisant des opérations caritatives dans les régions défavorisées du pays, opérations abondamment relayées par Nessma.
Selon l'AFP, les bureaux de votes sont désormais fermés.
D'après les premiers chiffres de l'instance chargée d'organiser les élections, le taux de participation à 13h s'élevait à 16,3%.
Lors des dernières présidentielles, en 2014, la participation à 11h était de 12%. Plus de 60% des Tunisiens s'étaient finalement déplacés pour mettre un bulletin dans l'urne et avaient élu Béji Caïd Essebsi, décédé le 25 juillet dernier.
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Présent dans la ville de La Marsa, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Tunis, notre reporter Bacem Chebbi décrit une population concernée par le scrutin. Beaucoup de personnes se sont rendues dans les bureaux de vote en famille. Il a également pu apercevoir bon nombre de jeunes qui aspirent à «un changement» de mode de gouvernance.
Au micro de RT France, la députée Hager Ben Cheikh Ahmed a insisté sur le fait que ce vote était «historique».
Wahbi Jomaa, ancien président du parti tunisien Ettakatol, a déclaré sur RT France espérer un sursaut social et économique du pays, huit ans après la révolution.
Répondant à RT France, Kais Djelassi, stratège et économiste franco-tunisien, estime que la participation s'annonce plus faible que prévue, les Tunisiens se montrant très méfiants envers l'«éthique de la classe politique» de leur pays.
C’est le grand jour en Tunisie. Après la mort du président en exercice Beji Caïd Essebsi, le 25 juillet dernier, 7 millions d’électeurs tunisiens sont appelés aux urnes ce 15 septembre lui désigner un remplaçant. Vingt-six candidats sont en lice à la magistrature suprême et parmi eux plusieurs poids lourds de la scène politique tunisienne. C’est par exemple le cas de l’ancien président de la République, Moncef Marzouki, du Premier ministre Youssef Chahed, du leader islamiste Abdelfattah Mourou ou encore de l’homme d’affaires, Nabil Karoui, actuellement placé en détention provisoire pour des soupçons de fraude fiscale et de blanchiment d'argent.
Alors que le pays tente de trouver une sortie à la longue période de transition politique, débutée au lendemain de la révolution de 2011, qui avait chassé Ben Ali du pouvoir, trois attentes principales se sont dégagées durant cette campagne. Tout d’abord l’amélioration de la situation socio-économique, plombée par ces années de crises politiques. Malgré l’embellie constatée au niveau des secteurs touristiques et agricoles, la dette publique reste élevée (22 milliards d’euros) tout comme l’inflation (6,8%), le chômage (15%) et la balance commerciale qui est toujours largement déficitaire de 5 milliards d’euros.
Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme reste également une préoccupation majeure. En vigueur depuis 2015, l’état d’urgence n’a pas empêché les deux derniers attentats-suicides qui ont secoué la capitale, Tunis, le 27 juin dernier. Dans la Libye voisine, en proie au chaos politico-sécuritaire provoqué par l’intervention de l'OTAN de 2011, les groupes terroristes profitent de la pagaille pour lancer des attaques dans le sud du pays mais aussi dans la capitale Tripoli. La Tunisie doit donc faire face à un nouveau défi : celui de la sécurisation de son territoire sur lequel survivent des branches locales de l’Etat islamique (EI) et d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dans le même temps, le pays doit faire face au retour d’une partie des plus de 3 000 djihadistes tunisiens partis grossir les rangs de l’EI en Irak et en Syrie.
Enfin, la Tunisie doit consolider sa transition démocratique. Si pour la première fois dans l’histoire du pays, trois grandes soirées de débats télévisés ont été organisés entre les candidats, le désamour des Tunisiens pour leurs représentants politiques demeure. Lors des dernières municipales de 2018, l’abstention avait atteint 65%. D'après une analyse réalisée par le bureau tunisien d'études et de statistiques, Sigma Conseil, en janvier 2019, plus de la moitié des Tunisiens ne voulaient pas voter pour l'élection présidentielle. Pour expliquer les raisons d'une telle abstention, l'étude évoque notamment l'absence d'amélioration du contexte socio-économique.
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