Ce 27 août, au lendemain de la clôture du sommet du G7 à Biarritz, Emmanuel Macron prononçait son traditionnel discours devant les ambassadeurs. Si le mot d'ordre pour le président de la République est de «retrouver l'indépendance diplomatique et l'autonomie stratégique» de la France, il convient en outre de changer d'attitude dans les relations avec la Russie, selon Emmanuel Macron.
«Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas faire quelque chose d'utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile, nous continuerons d'avoir des conflits gelés partout en Europe, nous continuerons à avoir une Europe qui est le théâtre d'une lutte stratégique entre les Etats-Unis et la Russie et avoir des conséquences de la guerre froide sur notre sol», a déclaré, devant les ambassadeurs, Emmanuel Macron, qui avait déjà plaidé un rapprochement avec Moscou à Brégançon au côté de Vladimir Poutine.
Evoquant les intérêts stratégiques de la France, le président de la République a été clair : «Nous poussons la Russie soit à l'isolement qui accroît les tensions, soit à s'allier avec d'autres grandes puissances comme la Chine, ce qui ne serait pas du tout notre intérêt.» Il a néanmoins mis en garde contre une «faiblesse coupable à l’égard de la Russie». «Je pense qu’il nous faut repenser cette grammaire très profondément. Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe. Le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie», a-t-il précisé, ajoutant avoir fait passer au président Vladimir Poutine un message préconisant d'«avancer pas à pas».
Emmanuel Macron a souligné qu'il fallait «stratégiquement explorer les voies d’un tel rapprochement [avec la Russie] et y poser nos conditions profondes» afin de «sortir des conflits gelés sur le continent européen». Il a par la suite abordé le sort du traité FNI, que les Etats-Unis ont quitté récemment. «Nous sommes dans une Europe ou nous avons laissé le sujet des armements à la main de traités qui étaient préalables à la fin de la guerre froide, entre les Etats-Unis et la Russie [...] La fin du traité FNI nous oblige à avoir ce dialogue, parce que les missiles reviendraient sur notre territoire» a-t-il souligné.
D'après Emmanuel Macron, l'un des «dialogues décisifs» sera la capacité de la France à «avancer sur le conflit russo-ukrainien et donc [dans] la mise en œuvre des accords de Minsk», précisant vouloir «proposer dans les prochains jour un sommet au format Normandie» et insistant auprès de son auditoire pour qu'il avance «sur cette voie». Il a également prié les ambassadeurs de s'«interroger collectivement sur la stratégie que peut avoir la Russie», arguant que ce pays avait «pris une place inédite dans les grands conflits» à cause de l'affaiblissement des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France.
«Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’allié minoritaire de la Chine. Donc nous devons aussi savoir par ce dialogue les conditions que nous poserons. Offrir, à un moment donné, une option stratégique à ce pays [...] C’est à nous de le préparer et de savoir avancer sur ce point», a ajouté le président de la République.
Emmanuel Macron a par ailleurs appelé à «penser une stratégie spatiale», rappelant que sur ce sujet «nos principaux alliés ne sont pas américains», mais aussi à penser «une stratégie sur le cyber».
Un rapprochement freiné par l'«Etat profond» ?
Tout en appelant à «revisiter la relation avec la Russie», le chef de l'Etat a mis en garde contre ceux qui «nous pousseront toujours à avoir plus de sanctions, parce que c'est leur intérêt, quand bien même ce sont nos amis. Mais ce n'est pas le notre, très profondément». A l'intérieur du pays également, Emmanuel Macron s'est montré conscient de l'existence d'un soi-disant «Etat profond» susceptible d'empêcher la réalisation de cette politique. «Pousser la Russie loin de l'Europe est une profonde erreur stratégique», estime toutefois le président.
Notant que «rien de tout ça n'est évident», Emmanuel Macron a demandé aux ambassadeurs présents de «ne pas céder aux provocations, de toujours défendre notre souveraineté, de rester forts», afin de «rebattre les cartes dans un dialogue franc et exigeant avec la Russie». Il a par la suite annoncé la tenue prochaine à Moscou d'une rencontre à laquelle participeront les ministres de l’Europe, des Affaires étrangères ainsi que des Armées.
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