L'explosion d'un missile dans une base militaire russe du Grand Nord le jeudi 8 août, qui a coûté la vie à cinq experts de l'Agence fédérale russe de l'énergie atomique Rosatom, continue de faire l'objet d'erreurs et de confusions dans les médias.
Confusion entre l'explosion en Sibérie du 5 août et celle dans le Grand Nord du 8 août
Dans une vidéo (mise en ligne le 12 août), la chaîne BFM TV a mélangé deux drames distincts : l'explosion meurtrière de la base militaire russe du Grand Nord, donc, et l'explosion survenue dans un dépôt de munitions en Sibérie, près du village de Kamenka, le lundi 5 août.
La vidéo commence par les images du village sibérien de Kamenka, qui se trouve non loin de la ville d'Atchinsk, tandis qu'une voix off évoque «des traces de l’explosion [...] toujours visibles». Igor Lissine, chef des urgences de la région sibérienne de Krasnoïarsk, apparaît ensuite, rapportant des informations sur les décisions des autorités en matière de retour ou non de la population de Kamenka et des villages alentour chez eux.
La voix off reprend : «A Atchinsk aussi, l’explosion de la base militaire a retenti jeudi dernier, une explosion nucléaire selon Rosatom l'agence nucléaire russe.» Hic : l'explosion ayant eu lieu à proximité d'Atchinsk, en Sibérie, est survenue le lundi 5 août. Cette explosion a été provoquée par un incendie dans un dépôt de munitions militaires, et n'a donc rien à voir avec une «explosion nucléaire».
L'explosion de «jeudi dernier», c'est-à-dire du 8 août, est celle de la base militaire dans le Grand Nord, qui a provoqué la mort de cinq experts de l'agence nucléaire Rosatom.
En d'autres termes : la vidéo confond et mélange allègrement deux événements distincts.
Une évacuation qui n'a pas eu lieu
Autre traitement problématique du sujet de l'explosion dans le Grand Nord : le New York Times a titré un article le 13 août, «La Russie ordonne l'évacuation d'un village près du site de l'explosion nucléaire». Or, le texte même du journal américain ne permet guère d'arriver à une telle conclusion. Dans un premier temps, le NYT cite un média local, TV29, selon lequel les résidents du village de Nionoksa auraient été contraints, «mardi» 13 août, d'évacuer les lieux via un train spécialement affrété. Or, plus loin, le quotidien déclare que «plus tard mardi», un rapport de l'agence Interfax suggère que l'évacuation a été annulée.
De même, France Info, consacre l'intertitre d'un article en ligne aux «évacuations». Le média français cite le Washington Post, selon qui «des militaires russes ont informé les habitants d'un petit village proche de la base de Nionoksa [...] qu'ils devraient quitter les lieux mercredi matin, et ce pour une durée de deux heures». Puis ajoute : «Un porte-parole de l'armée est finalement revenu sur cette annonce mardi soir», citant toujours le Washington Post.
Le 13 août, des habitants de Nionoksa, qui se trouvaient près du site d'essais de la marine russe, avaient de fait annoncé aux journalistes qu'ils seraient évacués dans la matinée du 14 août, par un train spécial de la gare ferroviaire locale. Ils avaient déclaré qu'ils devraient s'absenter du village pour une durée de cinq à sept heures.
Que s'est-il réellement passé ?
Igor Orlov, gouverneur de la région d'Arkhangelsk, a démenti auprès de l'agence Interfax les informations parues dans un certain nombre de médias, selon lesquelles il y aurait des projets d’évacuer les habitants du village de Nionoksa. «C'est complètement absurde», a-t-il souligné. Igor Orlov a également fait savoir que les «actions planifiées» prévues en de tels cas se déroulaient actuellement dans la zone de l'incident.
Ksenia Iudina, chef du service de presse de l’administration de la proche ville de Severodvinsk, a quant à elle déclaré au journal russe Novaïa Gazeta que des militaires avaient proposé aux habitants du village de partir, mais qu'ils n'avaient pas qualifié cela d’évacuation.
La municipalité a reçu un communiqué du ministère de la Défense proposant aux habitants de quitter temporairement le territoire du village. Une décision relevant du choix de chaque habitant et non, donc, une évacuation.
Confusions autour d'une image... d'une autre explosion
Des médias ont, en outre, ajouté à la confusion en relayant une photographie, sur laquelle on voit deux adultes et un enfant observer depuis une hauteur, une explosion au loin. Cette photo, choisie par l'agence AP pour illustrer l'accident de la région d'Arkhangelsk, montre, en réalité, une explosion survenue dans un dépôt de munitions en Sibérie le 5 août.
Or, des médias comme la chaîne américaine MSNBC ou le média qatari Al Jazeera ont présenté cette photographie comme celle de l'explosion du missile d'Arkhangelsk. L'image d'un champignon de flammes, associé à des titres ou légendes faisant état d'une «explosion nucléaire» ou d'un «incident nucléaire», a pu laisser penser à des lecteurs que les citoyens russes apparaissant sur la photo contemplaient tranquillement un champignon atomique... A tort.