Yeux au beurre noir, visage tuméfié mais souriant, l'auteur d'une fusillade dans une mosquée dans les environs d'Oslo, également suspecté du meurtre de sa demi-sœur, a été placé en détention provisoire le 12 août et devrait répondre d'«acte terroriste» et d'«homicide». Agé de 21 ans, Philip Manshaus, à qui la police prête des «vues d'extrême droite» et des «positions xénophobes», rejette les accusations portées contre lui et a demandé à être relâché.
Visage, cou et mains couverts d'hématomes et d'égratignures vraisemblablement occasionnés quand des membres de la mosquée l'ont maîtrisé, il a fait sa première apparition publique le 12 août lors de sa présentation devant le tribunal d'Oslo.
Vêtements sombres et cheveux courts, il est entré dans le prétoire en souriant aux caméras.
A l'issue de l'audition à huis clos, le juge a ordonné sa mise en détention provisoire pour quatre semaines, dont les deux premières en isolement total.
Selon son avocate Unni Fries, Philip Manshaus avait demandé sa remise en liberté. «Il rejette les accusations et exerce son droit à ne pas s'expliquer», a-t-elle déclaré à la presse.
S'il n'a pas encore été formellement inculpé, la police a, à ce stade de la procédure, élargi les qualifications pour y inclure celle d'«acte terroriste», en plus d'«homicide».
Signalé dans le passé
Muni d'au moins deux armes, Manshaus a ouvert le feu le 10 août dans le centre islamique al-Noor à Baerum, banlieue résidentielle d'Oslo. Seuls trois fidèles se trouvaient dans la mosquée à ce moment-là. Un homme de 65 ans, présenté dans les médias comme un ancien officier de l'armée pakistanaise, s'est jeté sur lui pour le maîtriser et a été légèrement blessé dans l'empoignade.
La police a indiqué, le 12 août, disposer d'une vidéo des faits filmée avec une caméra «GoPro» fixée sur un casque que portait l'assaillant.
Manshaus est aussi soupçonné d'avoir tué sa demi-sœur adoptive de 17 ans, dont le cadavre a été retrouvé quelques heures après la fusillade au domicile qu'ils partageaient. La victime, identifiée comme étant Johanne Zhangjia Ihle-Hansen, était d'origine chinoise et avait été adoptée par l'actuelle conjointe de son père.
Le 12 août, les services norvégiens de renseignement intérieur (PST) ont indiqué que le jeune homme leur avait été signalé «il y a environ un an», sans qu'ils y donnent suite. «Le tuyau était plutôt vague et n'allait pas dans le sens d'un projet terroriste imminent», a expliqué leur chef, Hans Sverre Sjovold, lors d'une conférence de presse.
PST, qui dit recevoir des quantités de signalements similaires, n'a pas modifié le niveau de menaces en Norvège, toujours considéré comme peu élevé.
«Guerre des races» et «Valhalla»
Peu avant l'attaque de la mosquée, un homme utilisant le nom Philip Manshaus avait posté sur le forum EndChan un message appelant ses lecteurs à déplacer la «guerre des races» d'internet vers la vie réelle («irl»). Son auteur déclaré avoir été choisi par «saint tarrant», apparemment en référence à Brenton Tarrant, l'auteur de l'attaque contre deux mosquées qui avait fait 51 morts en mars à Christchurch en Nouvelle-Zélande. Le message se concluait par «Le Valhalla attend», une allusion au lieu où, dans la mythologie nordique, reposent les valeureux guerriers défunts.
L'attaque a semé la peur au sein de la minorité musulmane norvégienne, qui fête actuellement l'Aïd al-Adha, et a entraîné un renforcement des mesures de sécurité autour des célébrations.
Connaissances et voisins dressent quant à eux dans les médias le portrait d'un jeune homme jovial, normal et intelligent mais dont le comportement aurait changé au cours de l'année passée. Selon la radiotélévision publique NRK, Manshaus serait devenu féru de la religion chrétienne et aurait adopté des points de vue de plus en plus extrémistes.
Se disant en guerre contre une «invasion musulmane», l'extrémiste de droite norvégien Anders Behring Breivik avait, le 22 juillet 2011, tué 77 personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, puis en ouvrant le feu sur un rassemblement de la Jeunesse travailliste sur l'île d'Utoya.