En Syrie, la Turquie pousse encore et toujours son agenda qui consiste à empêcher la constitution d'un Kurdistan syrien – même embryonnaire – à sa frontière. Poursuivant cet objectif, Ankara a franchi un nouveau pas, en menaçant d'intervenir cette fois à l'est de l'Euphrate. Le fleuve délimitait jusque-là de manière tacite la zone d'influence – et d'intervention militaire – de la Turquie en Syrie.
Le 5 août, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a encore exhorté les Etats-Unis à cesser leur appui logistique aux forces kurdes, les Unités de protection du peuple (YPG). «Nous attendons des Etats-Unis qu'ils répondent positivement à notre appel de cesser leur coopération», a-t-il martelé, cité par l'AFP.
La veille, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait évoqué une possible offensive militaire turque dans le nord de la Syrie, à l'est de l'Euphrate. «Nous somme entrés à Afrine, Jarablus et al-Bab», a rappelé le chef d'Etat turc, faisant référence aux précédentes opérations militaires destinées à affaiblir les combattants de la coalition arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis.
La Turquie résolue à affaiblir les milices armées kurdes dans le nord de la Syrie
Depuis le déclenchement de l'offensive de l'armée turque contre l'enclave d'Afrine en janvier 2018, Ankara ne craint plus de se confronter aux Etats-Unis et de pratiquer la politique du fait accompli.
«Allez, partez !», avait lancé début 2018 Recep Tayyip Erdogan, à l'état-major américain. Le dirigeant turc n'avait d'ailleurs pas fait mystère de ses intentions, qui se concrétisent aujourd'hui. «Ensuite, ce sera Manbij», avait-il prédit, faisant référence à une autre ville syrienne sous contrôle kurde située plus à l'est de la région. «Plus tard, étape par étape, nous débarrasserons notre pays jusqu'à la frontière irakienne de cette croûte de terrorisme qui essaye de nous assiéger», avait-il promis. En clair, géographie oblige : au-delà de la rive est de l'Euphrate.
Forte du soutien des Occidentaux et des Etats-Unis, la coalition arabo-kurde a instauré une autonomie sur des territoires, au nord et à l'est du fleuve Euphrate. Ces régions, riches en hydrocarbures, représentent plus d'un quart de la superficie de la Syrie. Mais le bras de fer entre la Turquie et les Etats-Unis du début de l'année 2018 a affaibli la position des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Aux dépens des Kurdes, Washington et Ankara s'étaient entendus en juin 2018 pour se partager le contrôle du nord de la Syrie. Bien qu'à l'origine de la scission de facto d'une large portion du territoire syrien au nord et à l'est du pays, les Forces démocratiques syriennes (FDS) avaient même dû, en juillet 2018, se rapprocher de Damas, pour tenter de trouver un nouveau soutien face à l'offensive turque.
Un an plus tard, une offensive turque – ou une simple menace – dans la large portion du territoire syrien sous contrôle des milices kurdes pourrait rebattre encore les cartes du jeu d'alliances, toujours changeant, en Syrie.
Alexandre Keller
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