En discothèque, un homme et une femme échangent des regards, boivent, rient, dansent, puis s'embrassent. L'homme ramène la jeune femme chez lui, ferme la porte à clé ; elle veut partir, il la viole. La vidéo terminée, sept hommes d'une trentaine d'années, venus à Berlin en provenance de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan, sont invités à réagir : «Elle a trop bu, ils couchent ensemble», lance l'un d'entre eux, convaincu que le garçon a profité de l'état d'ébriété de la jeune femme pour abuser d'elle. «Il savait très bien ce qu'il voulait», abonde un autre. «Cela arrive fréquemment à Berlin, les jeunes boivent beaucoup, se droguent...» et dans ce cas, ce type d'agression peut se produire, prévient la formatrice, Carola Pietrusky-Niane.
A Marzahn, un des quartiers les plus défavorisés de Berlin, où ont atterri des milliers de réfugiés accueillis dans la capitale depuis 2015, les sept hommes assistent, par une chaude après-midi d'été, à quatre heures de cours intitulés «Ensemble pour le respect de la sécurité». En réalité, il s'agit d'une formation sur la sexualité, et surtout sur le consentement, organisée par l'association norvégienne Hero, qui gère plusieurs foyers de migrants en Allemagne.
Comment savoir si une femme est consentante ? Quels conseils donner à des migrants qui viennent de pays où filles et garçons sont souvent scolarisés dans des établissements séparés, où les manifestations de tendresse sont proscrites en public, et où le viol au sein du couple n'est pas considéré comme un crime ? Des questions essentielles dans un pays qui a accueilli plusieurs centaines de milliers de réfugiés en seulement quatre années et qui reste hanté par la soirée du Nouvel An 2015 à Cologne, marquée par de multiples agressions sexuelles, commises essentiellement par des ressortissants de pays du Maghreb. En Norvège, les migrants ont dû entre 2013 et 2015 suivre ce type de formations après plusieurs affaires de viol impliquant des réfugiés.
En Allemagne, l'année 2018 s'est soldée par une hausse de 15% des crimes et délits sexuels commis par des étrangers, avec 6 046 infractions contre 5 258 l'année précédente, selon des statistiques officielles. Des chiffres révélateurs du défi représenté par l'accueil de migrants comprenant en grande majorité des hommes jeunes et célibataires.
Parmi les courtes vidéos présentées lors de la formation, l'une d'elles décrit les différences entre rapports sexuels consentis et viol : «C'est comme si vous demandiez à une personne si elle veut une tasse de thé», explique une voix en anglais. «Si elle répond : "Oui, j'adore ça", c'est qu'elle en veut une. Si elle hésite, vous pouvez faire le thé et demander à nouveau. Et si quelqu'un dit "Non merci", ne faites pas de thé et ne vous fâchez pas. C'est la même chose avec la sexualité.»
Quid du consentement au sein du couple ? La formatrice a réponse à tout, heureusement : «Il y a encore quelques années, le viol au sein du couple n'était pas considéré comme un crime en Allemagne.» Un migrant lui oppose alors : «Chez nous, nous avons deux lois : celle de l'Etat et celle de la famille, du clan.» Pour nombre d'entre eux, devoir dénoncer un proche auteur d'un viol ou d'actes de maltraitance n'irait pas de soi, encore moins si le coupable est leur père. «L'honneur est une valeur importante pour nous», résume un migrant, tandis qu'une autre s'émeut qu'en Allemagne, un enfant puisse garder le nom de sa mère en cas de divorce.
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