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Camp de migrants bombardé en Libye : les Etats-Unis bloquent une condamnation du Conseil de sécurité

Washington a empêché le Conseil de sécurité de l'ONU de condamner unanimement la frappe qui a touché un centre de rétention pour migrants dans la banlieue de Tripoli, tuant 44 personnes. Les deux camps opposés se rejettent la responsabilité.

Après le décès d'au moins 44 migrants dans un bombardement aérien contre leur centre de détention en Libye, et alors que l'ONU – par la voix de Ghassan Salamé, son émissaire dans le pays – a condamné la frappe, les Etats-Unis ont opposé le 4 juillet leur veto quant à l'adoption par le Conseil de sécurité, réuni en urgence, d'une condamnation unanime sur cette attaque meurtrière.

La frappe menée dans la nuit du 2 au 3 juillet à Tajoura a été attribuée par le gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli aux forces rivales de Khalifa Haftar engagées dans une offensive pour s'emparer de la capitale d'un pays plongé dans le chaos depuis 2011.

[Un] carnage ignoble et sanglant

Mais le porte-parole des forces pro-Haftar, Ahmad al-Mesmari, a démenti toute implication dans l'attaque, accusant en retour le GNA de «fomenter un complot» pour leur faire endosser la responsabilité du carnage.

Le centre de détention abritait environ 600 migrants, en majorité érythréens et soudanais, et deux de ses cinq hangars ont été touchés, selon le responsable du centre Noureddine al-Grifi. Quelque 120 migrants se trouvaient dans le hangar n°3 qui a été touché de plein fouet. Sur les lieux, couvertures maculées de sang, débris et morceaux tordus de la structure métallique du bâtiment entourent un cratère de trois mètres de diamètre, selon les constatations d'un journaliste de l'AFP. L'émissaire de l'ONU, Ghassan Salamé, a condamné un «carnage ignoble et sanglant» dans un communiqué de la Mission de l'ONU en Libye (Manul).

La localisation exacte du centre connue des deux parties au conflit

De même source, au moins 44 migrants ont péri et plus de 130 ont été grièvement blessés dans le bombardement du centre, touché pour la deuxième fois depuis le début de l'offensive des pro-Haftar le 4 avril. Le patron de l'ONU Antonio Guterres a demandé une «enquête indépendante» sur l'attaque et réitéré son appel à un «cessez-le-feu immédiat en Libye».

[Ce drame] souligne l'urgence de fournir des abris sûrs à tous les réfugiés et migrants jusqu'à ce que leurs demandes d'asile soient satisfaites ou qu'ils soient rapatriés en sécurité

«L'ONU avait fourni la localisation exacte du centre de détention aux parties en conflit afin d'éviter qu'il ne soit pris pour cible», a également expliqué le porte-parole d'Antonio Guterres. Ce drame «souligne l'urgence de fournir des abris sûrs à tous les réfugiés et migrants jusqu'à ce que leurs demandes d'asile soient satisfaites ou qu'ils soient rapatriés en sécurité» dans leur pays d'origine, a-t-il ajouté. Le maréchal Haftar, homme fort de l'est libyen, est soutenu par les Emirats arabes unis et l'Egypte, tandis que le GNA, seul exécutif reconnu par la communauté internationale, bénéficie de l'appui de la Turquie et du Qatar.

Après le carnage, des ONG ont fait part de leur «effroi» et appelé à une enquête. L'Union européenne (UE) a, de son côté, condamné une «horrible attaque» et réclamé une enquête. Le chef du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a lui porté «trois messages clés : les migrants et réfugiés ne doivent PAS être en détention, les civils ne doivent PAS être des cibles, la Libye n'est PAS un lieu sûr pour un renvoi» des migrants.

Les agences de l'ONU et organisations humanitaires rappellent régulièrement leur opposition au fait que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye, théâtre de luttes intestines et d'insécurité avec de multiples milices qui font la loi depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. 

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