S'agit-il du début de la fin pour le franc CFA ? Réunis à Abuja, au Nigeria, le 29 juin, les chefs d'Etats et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), ont pris une décision majeure en ce sens, adoptant formellement le nom d'«Eco» pour le projet de monnaie unique en Afrique de l'Ouest dont ils souhaitent la création dès 2020.
Cette nouvelle monnaie entend donc remplacer le franc CFA dans les huit pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) qui l'utilisent, et les devises de sept autres pays de l'organisation. Si le projet est en discussion depuis de nombreuses années, il a pu être finalisé suite au revirement du Nigeria, qui à lui seul représente 60% de la population et 70% du PIB de la Cédéao.
La disparition totale du franc CFA, actuellement utilisé dans 15 pays, n'est toutefois pas encore d'actualité, puisqu'il demeurera la monnaie des sept pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), qui disposent d'une banque centrale indépendante.
Approche graduée pour l'adoption
Le communiqué final adopté à Abuja «réaffirme l'approche graduée [pour l'adoption] de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence», notamment concernant l'inflation et le déficit budgétaire, déjà évoqués lors de rencontres préparatoires. La Cédéao a également opté pour un «régime de change flexible» par rapport aux monnaies internationales, assorti d'une politique monétaire centrée sur la maîtrise de l'inflation.
Si l'objectif est résolument ambitieux, la feuille de route paraît difficile à suivre pour une implantation dès 2020. Comme le soulignent les conclusions de travaux préparatoires adoptées le 18 juin dernier à Abidjan, les pays de la Cédéao devront redoubler d'efforts s'ils veulent tenir ces délais, aucun des 15 Etats membres ne respectant à l'heure actuelle les «critères de convergence» retenus, proches de ceux qui avaient présidé à la création de l'euro il y a une vingtaine d'années. Or le respect de ces critères est une «condition sine qua non pour la création d'une union monétaire crédible», ont insisté les experts et ministres réunis il y a dizaine de jours dans la capitale économique ivoirienne.
En tout état de cause, avant d'être une révolution économique, cette décision est un symbole politique fort, le franc CFA – arrimé à l'euro selon une parité fixe garantie par la France – étant considéré par ses détracteurs comme une réminiscence de l'empire colonial français.
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