La décision a été rendue officielle ce 15 juin : Hong Kong met fin à l'examen du projet de loi controversé visant à autoriser les extraditions vers la Chine. L’annonce a été faite par le chef de l'exécutif hongkongais, Carrie Lam, devant la presse. «Le gouvernement a décidé de suspendre la procédure d'amendement législatif, de relancer notre communication avec tous les secteurs de la société, de travailler davantage [...] et d'écouter les différents points de vue de la société», a-t-elle expliqué, alors que des protestations d'une ampleur inédite se déroulent depuis presqu'une semaine dans l’ancienne colonie britannique rétrocédée en 1997.
Le 9 juin, un million de personnes avaient manifesté contre le projet de loi. D’après les opposants au texte, la mise en place d’une telle mesure soumettrait ce territoire au système judiciaire de la Chine continentale, qu’ils considèrent comme opaque et sous influence du Parti communiste chinois. Le 12 juin, des dizaines de milliers de protestataires ont été dispersés par la police à l’aide de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes ou de gaz au poivre.
Cette opposition farouche réunit des avocats, organisations juridiques, capitaines d’industrie, chambres de commerce, journalistes, militants, diplomates occidentaux, mais aussi une partie des milieux d'affaires, qui craignent que la nouvelle législation ne nuise à l'attractivité du centre financier. Carrie Lam avait reçu ces derniers jours de nombreux appels à abandonner le projet, y compris parmi ses conseillers et alliés politiques.
Hong Kong, nouveau refuge pour criminels?
Selon le South China Morning Post, Carrie Lam a tenu une réunion d'urgence, le 14 juin au soir, avec ses plus proches conseillers, tandis que des responsables chinois s'étaient donné rendez-vous dans la ville voisine de Shenzhen afin de tenter de trouver un compromis. Elle a annoncé cette suspension des travaux sur le projet de loi ce 15 juin, précisant qu’aucune date n’avait encore été fixée pour la poursuite de l’étude.
«Le conseil arrêtera de travailler sur le projet de loi jusqu'à ce que nous ayons achevé de communiquer et d'entendre les opinions […] Nous n'avons pas l'intention de fixer une date limite pour ce travail. Nous promettons de faire un rapport aux membres du groupe sur la sécurité du conseil législatif [le Parlement] et de les consulter avant de décider de la prochaine étape», a-t-elle souligné, répétant que, pour elle, une telle loi était nécessaire afin d’empêcher que la place financière asiatique de Hong Kong ne devienne un refuge pour les criminels. Elle a par ailleurs admis que son administration avait été dépassée par l’engouement populaire autour de cette réforme.
«Je suis profondément attristée et regrette que les déficiences de notre travail et d'autres facteurs aient provoqué d'importantes controverses et conflits dans la société, après une période de deux ans relativement calme», a-t-elle conclu.
La nouvelle a été accueillie de manière favorable par de nombreux parlementaires, y compris dans le camp pro-Pekin, dont certains réclamaient l'abandon de l'examen du projet de loi, à l'instar d'Ann Chiang. «Ne devrions-nous pas calmer les citoyens ? Je crois que reporter un petit peu [le projet de loi] n'est pas une mauvaise chose. En ce moment, l'administration devrait s'examiner elle-même», a-t-elle déclaré le 14 juin à i-Cable News.
Pour Pékin, en pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, les troubles à Hong Kong tombaient au pire moment, à quelques mois des célébrations, prévues pour octobre, des 70 ans de la naissance de la Chine communiste. Les autorités chinoises ont ainsi affirmé «soutenir» la décision de Hong Kong de suspendre son projet de loi d'extradition. Selon les organisateurs du mouvement de contestation, repris par l'AFP, la manifestation prévue le 16 juin sera bien maintenue.