Certains députés européens ne sont-ils pas légitimes en dépit du mandat que leur a accordé le peuple pour les instances bruxelloises ? Fraîchement élus, les indépendantistes catalans Carles Puigdemont et Toni Comin se sont en effet vu interdire l'entrée dans les locaux du Parlement européen le 29 mai, pour obtenir leur accréditation.
«Lorsque nous sommes arrivés avec d’autres élus espagnols, les huissiers ont demandé de décliner notre identité. Nous avons alors constaté que nos noms étaient en gris sur la liste. Ils ont passé un appel téléphonique et nous ont indiqué qu’ils avaient reçu instruction de refuser l’entrée aux élus catalans», confie ainsi l’ancien président de la Generalitat de Catalogne, Carles Puigdemont.
Les responsables de la sécurité leur ont expliqué que l’Espagne n’avait pas communiqué la liste définitive des députés élus, et que par conséquent, Klaus Welle, le secrétaire général du Parlement avait donné pour instruction de ne pas les laisser entrer. «Pourtant, tous les autres élus ont obtenu leur accréditation sans problème», fait remarquer l'eurodéputé catalan qui souligne en outre que les autorités bruxelloises ne leur ont pas notifié ce refus d'entrée par écrit. «Il n’y a aucune raison légale. C’est de la pure discrimination», soutient l'élu.
Bruxelles ne veut pas froisser Madrid
La raison sous-jacente de cette interdiction est selon toutes vraisemblances à trouver du côté de Madrid. Réfugiés en Belgique depuis 2017 suite au référendum sur l'indépendance de la Catalogne, Carles Puigdemont est sous le coup d’un mandat d’arrêt en Espagne, notamment pour «sédition», tout comme Toni Comin. Or, selon la loi espagnole, il est nécessaire de prêter serment de fidélité à la Constitution devant la Commission électorale centrale – sur place – afin de pouvoir devenir définitivement député. Une formalité à laquelle les deux élus ne pourront donc pas se plier s'ils souhaitent rester en liberté.
Pourtant, comme le note Libération, à leur arrivée au Parlement le 29 mai, aucun des 54 eurodéputés espagnols n'avaient encore prêté serment. Pourtant, seuls les deux indépendantistes catalans se sont vus refuser l'entrée. Difficile dès lors de ne pas voir dans ce deux poids deux mesures une décision politique de Bruxelles, soucieuse de ne pas se placer en porte-à-faux vis-à-vis de la légalité espagnole.
Face à la polémique qui enfle, le Parlement européen a admis «une erreur» administrative selon le site spécialisé Bruxelles2.eu, expliquant que personne n'aurait dû être accrédité. «Afin de garantir un traitement égal et équitable, j’ai chargé le Secrétaire général de suspendre l’accréditation provisoire qui a peut-être déjà été accordée à d’autres nouveaux membres espagnols», a ainsi fait savoir le président du Parlement Antonio Tajani dans un mail adressé à plusieurs eurodéputés espagnols. Une réponse qui ne fait que repousser le problème qui ressurgira lorsque les eurodéputés auront prêté serment, à l'exception des indépendantistes.
Détention arbitraire des indépendantistes catalans
Si Bruxelles semble pencher du côté de Madrid, la gestion du cas des indépendantistes catalans par l'Espagne est loin de faire l'unanimité au sein de la communauté internationale. Des experts mandatés par l'ONU ont en effet dévoilé le 29 mai un rapport dans lequel ils qualifient d'«arbitraire» la détention provisoire de trois indépendantistes catalans, jugés pour leur rôle dans le référendum d'indépendance de la Catalogne en 2017. Ces experts considèrent que cette détention, provisoire depuis plus d'un an et demi, va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils demandent par conséquent la libération de ces trois indépendantistes et leur indemnisation.
Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, respectivement ancien président et président des associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, ont été placés en détention en octobre 2017. Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement régional catalan, a quant a lui été incarcéré en novembre, alors que le président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, a préféré quitté l'Espagne avec plusieurs de ses ministres pour échapper aux poursuites.
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