Riyad a annoncé ce 23 avril avoir procédé à la décapitation de 36 citoyens et le crucifiement d'un autre (et non deux, comme nous l'écrivions précédemment en raison d'une erreur de traduction), pour la plupart chiites, accusés de crimes terroristes. Le chiisme est une branche de l'islam minoritaire en Arabie saoudite, et majoritaire en Iran, pays ennemi du royaume wahhabite. Comme le rapporte l'agence de presse AP, un des corps, celui d'un individu présenté comme un extrémiste sunnite, a été exposé sur la place publique en guise d'avertissement.
Selon un communiqué de l'ONG Amnesty international, 11 des hommes exécutés auraient été jugés coupables d'espionnage pour le compte de l'Iran et au moins 14 autres auraient été condamnés à cause de leur participation à des manifestations antigouvernementales dans les zones du pays peuplées majoritairement de chiites entre 2011 et 2012. L'écrivain saoudien et défenseur des droits de l'homme Fuad Ibrahim affirme pour sa part que 32 des 37 condamnés étaient des militants chiites de l'opposition.
L'un des prisonniers exécutés était Abdulkareem al-Hawaj, un jeune chiite qui n'avait que 16 ans lorsqu'il a été arrêté et condamné pour participation à des émeutes anti-gouvernementales.
Dans sa déclaration, le ministère saoudien de l'Intérieur a déclaré que les personnes exécutées avaient adopté «des idéologies extrémistes» et constitué des cellules terroristes dans le but de «semer le chaos» et de «provoquer des conflits sectaires». Conformément à la loi en vigueur dans ce pays allié clé des Etats-Unis, les citoyens reconnus coupables ont été décapités, ou crucifié selon les cas, sur décision du tribunal pénal de Riyad, spécialisé dans les procès pour terrorisme. L'exécution a également été ratifiée par un décret du roi Salmane.
Amnesty international affirme pourtant que les personnes exécutées ont été condamnées après des «simulacres de procès sur des aveux extorqués sous la torture». Dénonçant «une démonstration effrayante du mépris de l'autorité [saoudienne] pour la vie humaine», l'ONG a estimé que cette exécution collective prouvait que la peine de mort pouvait être utilisée comme «un outil politique pour écraser la dissidence».
Parmi les rares réactions à cette exécution groupée, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a tweeté : «Après avoir cligné de l'œil face au démembrement d'un journaliste, pas un bruit de l'administration Trump quand l'Arabie saoudite décapite 37 hommes en un jours - crucifiant même l'un d'eux, deux jours après Pâques.»
L'ONU a réagi un peu plus tard le 24 avril, condamnant des «exécutions de masse choquantes». Michelle Bachelet, Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme a en outre affirmé : «Je demande urgemment au gouvernement saoudien de lancer immédiatement une révision de sa loi antiterroriste [...] afin d'interdire la peine capitale pour les mineurs.»
Il s'agit de l'exécution groupée la plus importante de ces trois dernières années dans le pays, et par conséquent, de la première de cette ampleur depuis la prise de fonctions le 21 juin 2017 du prince héritier Mohammed ben Salmane, pourtant engagé dans une tentative d'amélioration de l'image du royaume à l'international.
La dernière exécution groupée de cette ampleur en Arabie saoudite avait eu lieu le 2 janvier 2016, date à laquelle le royaume avait exécuté 47 personnes, aussi accusées de terrorisme.
En comptant les exécutions du 23 avril, plus d'une centaine de personnes ont été mises à mort dans le pays depuis début 2019, d'après un décompte établi sur base de communiqués officiels.
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