L'Etat vient de se doter de sa messagerie privée sécurisée, Tchap, destinée à se substituer aux traditionnels Whatsapp ou Telegram pour les communications des agents des services de l'Etat ou du gouvernement.
Conçue en collaboration avec New Vector, start-up franco-britannique, elle est «chiffrée de bout en bout», et est hébergée sur des serveurs de l'Etat, a expliqué Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique, le 16 avril. «Nous allons ajouter très rapidement la visiophonie et la téléphonie», a ajouté Nadi Bou Hanna.
La messagerie vient d'être rendue disponible sur les magasins d'applications d'Apple et Google. Mais elle n'est accessible qu'aux personnes disposant d'une adresse mail professionnelle en «@gouv.fr» ou assimilé. Il est aussi possible de s’inscrire avec un autre mail, à travers une invitation envoyée par une personne déjà membre. «L’armée, très impliquée dans le projet dès ses débuts, semble impatiente d’assister au lancement de cette messagerie», ajoute Tchap sur son site officiel.
De quoi frustrer certains, qui pensaient profiter d'une application française en la téléchargeant librement sur les «store». Ainsi, plusieurs citoyens se sont montrés très critiques, sur le Google store notamment, reprochant à l'application d'être trop restrictive.
Toutefois, l'application développée sur du code ouvert (open source) devrait être ponctuellement accessibles à des personnes extérieures aux services de l'Etat. Cela permettrait de fait la constitution de groupes de travail associant privé et public. Quant à savoir si l'application sera un jour ouverte à tous les citoyens...
Jusqu'à présent, les politiques, notamment les membres du gouvernement, ont effectivement l'habitude d'utiliser des applications de messagerie sécurisée comme Telegram, créée par des Russes et basée à Berlin. Mais le problème de fuite de données, comme cela a été le cas avec Facebook et le fait que les services ministériels se servent d'une application privée étrangère comme Telegram entraînent des craintes au sommet de l'Etat.
«Nous devons trouver un moyen d’avoir un service de messagerie cryptée qui n’est pas chiffré par les Etats-Unis ou la Russie. On pense forcément aux failles potentielles qui peuvent survenir, comme on l’a vu pour Facebook, alors il faut qu’on prenne les devants», avait expliqué pour Reuters une porte-parole de l'ancien secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, en avril 2018.
Depuis la campagne présidentielle, l'équipe d'Emmanuel Macron a en effet l'obligation de passer par Telegram pour évoquer les enjeux sensibles ou liés à l'argent. L'Obs affirmait même, en mars 2018, que le ministre de l'Action publique Gérald Darmanin était «accro» à cette messagerie.
Par ailleurs, l'ancien conseiller Alexandre Benalla confessait, en décembre 2018, qu'il échangeait régulièrement avec Emmanuel Macron en passant par Telegram, sur plusieurs sujets comme les Gilets jaunes.
Telegram a également été au cœur d'une manipulation de l'information, le proche conseiller d'Emmanuel Macron à l'Elysée Ismaël Emelien ayant utilisé la messagerie en 2018 pour transférer un montage vidéo trompeur à destination du responsable pôle e-influence d'En Marche Pierre Le Texier. Le but de la manœuvre était de propager sur les réseaux une vidéo mensongère afin de minimiser les actes d'Alexandre Benalla et de discréditer les victimes lors des événements du 1er mai 2018 place de la Contrescarpe. Toutefois, la supercherie a été découverte par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et révélée par Le Monde le 29 mars 2019.
Avec Tchap, le but semble clair : mettre fin à une dépendance Telegram. Paranoïaque ou non, l'Etat fera donc progressivement confiance à cette toute nouvelle application. Cette messagerie permettra-t-elle de mieux conserver certains secrets ?
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