Le ministère de l'Intérieur du gouvernement d'union nationale libyen a accusé pour la première fois directement la France de soutenir le maréchal Khalifa Haftar dont les forces mènent une offensive contre la capitale Tripoli.
Selon un communiqué publié par son service de presse, le ministre de l'Intérieur Fathi Bach Agha, a ordonné «la suspension de tout lien entre (son) ministère et la partie française dans le cadre des accords sécuritaires bilatéraux (...) à cause de la position du gouvernement français soutenant le criminel Haftar qui agit contre la légitimité».
La France a réfuté les accusations du ministère libyen de l'Intérieur. «Les déclarations de Tripoli de soutien et couverture diplomatique à Haftar sont complètement infondées», a déclaré un responsable du ministère français des Affaires étrangères.
La France se serait opposée à une communication de l’Union européenne condamnant Haftar
Selon plusieurs sources diplomatiques la France se serait opposée le 10 avril à la publication d’un communiqué de l’Union européenne demandant au maréchal Khalifa Haftar de stopper l’offensive militaire qu’il a lancée pour s’emparer de la capitale Tripoli. Selon Reuters, le projet de communiqué stipulait que l’offensive de l’Armée nationale libyenne d’Haftar «menaçait la population civile, perturbait le processus politique et pourrait provoquer une escalade des tensions avec de sérieuses conséquences pour la Libye et la région dans son ensemble, notamment une menace terroriste».
«C'est une fausse allégation», a réagi jeudi 11 avril la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères lors d'un point presse électronique. «La France a demandé que ce texte soit renforcé sur trois points essentiels pour l’Union européenne».
La porte-parole du Quai d'Orsay a cité «la situation des migrants, l’implication dans les combats de certains groupes et personnes sous sanctions des Nations unies pour activités terroristes, et enfin la nécessité de parvenir à une solution politique sous l’autorité des Nations unies conformément aux engagements pris par les parties libyennes à Paris, Palerme et Abou Dhabi.»
Mais le mal est fait. Réagissant aux informations faisant état d’un blocage français, le vice-président du Conseil italien et ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a estimé que ce serait «très grave» si Paris «pour des raisons économiques ou commerciales, bloquait une initiative européenne visant à rétablir la paix en Libye et si elle soutenait un parti qui combat ».
Déplorant les divergences sur la Libye, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a exhorté les pays de l’Union européenne à parler d’une seule voix.
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Des armes saisies à la frontière
Un autre épisode s'ajoute à la crise entre la France et la Libye. Le 16 avril le ministre tunisien de la Défense Abdelkarim Zbidi a affirmé que des armes et des munitions transportées par 11 personnes munies de passeports diplomatiques, dont des citoyens Français, qui tentaient d'entrer en Tunisie en venant de la Libye, avaient été saisies par les autorités tunisiennes au large de Djerba.
Il s'agit de 11 personnes chargées «de la protection rapprochée des membres de la mission européenne Eubam» d'assistance et de surveillance des frontières en Libye, a fait savoir l'ambassadeur de l'UE en Tunisie Patrice Bergamini.
Les diplomates français et européens démentent quant à eux toute irrégularité dans ces deux missions qui visaient à évacuer du personnel de sécurité depuis la Libye.
Le ministre tunisien de la Défense avait par ailleurs déclaré mardi que d'autres armes et munitions avaient été saisies à la frontière terrestre tuniso-libyenne auprès de 13 Français «sous couverture diplomatique».
Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué que les armes en question appartenaient au détachement de sécurité assurant la protection de l'ambassadrice de France en Libye et a démenti qu'elles aient été saisies.