Le Kremlin a annoncé ce 18 avril la préparation d'un sommet inédit entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président Vladimir Poutine, prévu pour fin avril en Russie, signe du rôle accru que Moscou souhaite jouer dans ce dossier brûlant. Cette annonce intervient dans un contexte de tensions entre Pyongyang et Washington après un sommet raté en février, la Corée du Nord exigeant désormais le retrait du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo des discussions sur ses arsenaux nucléaires, quelques heures après avoir annoncé l'essai d'un nouveau type d'arme.
La rencontre entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine sera la première du genre. Le dirigeant nord-coréen, qui aurait dû se rendre à Moscou en mai 2015 pour les 70 ans de la victoire des Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale, y avait renoncé quelques jours avant. Le sommet fait depuis plusieurs jours l'objet de spéculations dans les presses russe, sud-coréenne et japonaise, qui estiment qu'il pourrait avoir lieu dès la semaine du 22 avril à Vladivostok, ville portuaire proche de la frontière nord-coréenne.
«La Russie se doit d'avoir au moins un certain contrôle sur la situation dans la péninsule coréenne. Les événements récents ont évincé presque tout le monde hormis la Corée du Nord et les Etats-Unis», relève Andreï Lankov, de l'université Kookmin de Séoul. Ces dernières années, des responsables russes se sont rendus à plusieurs reprises en Corée du Nord, et des responsables nord-coréens en Russie. Les deux pays entretiennent des relations amicales, Moscou prônant, comme Pékin, un dialogue avec Pyongyang sur la base d'une feuille de route définie par les deux puissances.
En 2011, le père de Kim Jong-un, Kim Jong-il, s'était rendu en Sibérie pour rencontrer Dmitri Medvedev, l'actuel Premier ministre russe alors président. Mort peu après cette visite, Kim Jong-il s'était alors dit prêt à renoncer aux essais nucléaires. L'émissaire américain pour la Corée du nord, Stephen Biegun, et la conseillère de Donald Trump Fiona Hill se trouvent actuellement à Moscou pour des pourparlers avec les responsables russes.
«Méthodes de gangster»
La Corée du Nord a accusé ce 18 avril Mike Pompeo de manquer de prudence et de maturité, demandant la désignation d'un nouvel interlocuteur américain et faisant monter les enchères en pleine impasse diplomatique. Après une année 2018 marquée par un spectaculaire rapprochement sur la péninsule coréenne et un sommet historique entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump, la détente apparaît de plus en plus fragile, dans la foulée du fiasco de la seconde rencontre entre les deux hommes en février à Hanoi.
«Je crains que si Mike Pompeo participe encore aux discussions, l'atmosphère sera mauvaise et les discussions vont à nouveau s'engluer», a déclaré le responsable des Affaires américaines au ministère nord-coréen des Affaires étrangères Kwon Jong Gun, cité par l'agence publique nord-coréenne KCNA. Pyongyang l'avait déjà accusé, avec le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche John Bolton, d'être responsable de l'échec survenu à Hanoi pour avoir «créé une atmosphère d'hostilité et de défiance». L'été dernier, la Corée du Nord avait dénoncé ses «méthodes de gangster».
Selon KCNA, Kwon Jong Gun a rappelé que le président nord-coréen avait clairement indiqué que l'attitude des Américains devait changer : «Les Etats-Unis ne nous feront pas bouger d'un iota avec cette façon de penser». Depuis le début du processus diplomatique en 2018, Pyongyang a toujours préféré traiter directement avec Donald Trump, qui présente son homologue comme son «ami» et n'évoque quasiment plus jamais les violations massives des droits humains imputées au régime nord-coréen.
Test balistique : info ou intox ?
La charge de Pyongyang contre Mike Pompeo est intervenue quelques heures après que KCNA a rapporté que Kim Jong-un avait supervisé l'essai d'une nouvelle «arme tactique guidée» avec une «puissante ogive», faisant planer de nouveaux doutes sur le processus diplomatique. Kim Jong-un a qualifié ce test d'«événement d'une très grande importance pour accroître la puissance de combat de l'Armée populaire» nord-coréenne, selon la même source.
La Corée du Sud n'a rien détecté sur ses radars, a indiqué à l'AFP un responsable militaire, jugeant improbable qu'un missile ait été tiré. La présidence sud-coréenne a affirmé n'avoir aucun commentaire à faire. Des responsables du Pentagone ont également refusé de s'exprimer sur cette annonce, tandis que le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, s'est abstenu de condamner cet essai présumé.
Ankit Panda, analyste spécialisé dans les questions nord-coréennes, a cependant estimé que la «description de ce qui a été testé fait penser à un missile». «Mais il peut s'agir de n'importe quoi, depuis un petit missile antichar téléguidé jusqu'à un missile sol-air, en passant par un système de roquettes d'artillerie».
Le Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington, a de son côté fait état le 17 avril de signes d'activité sur le complexe de Yongbyon, principal site nucléaire nord-coréen, laissant penser que Pyongyang pourrait avoir repris des opérations de retraitement de matières radioactives à des fins militaires. «Kim tente de faire savoir au gouvernement de Trump que son potentiel militaire grandit jour après jour», a expliqué l'analyste Jarry Kazianis, du Center for the National Interest.
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