Après avoir passé près de 7 ans enfermé dans l'ambassade d'Equateur à Londres, le fondateur de Wikileaks Julian Assange a été arrêté par les autorités britanniques le 11 avril, à la suite de la révocation de son asile par Quito. Extrait de force par des policiers habillés en civil, le célèbre lanceur d'alerte a juste eu le temps de s'écrier «le Royaume-Uni doit résister !», avant d'être embarqué dans un fourgon de police qui l'a emmené au tribunal de Westminster.
En dépit du classement sans suite des accusations de viol pour lesquelles il était initialement poursuivi en Suède, un tribunal londonien avait refusé, en février 2018, de lever le mandat d'arrêt à son encontre, au motif qu'il n'avait pas respecté les conditions de sa liberté sous caution. A l'instar de la juge qui avait rendu ce verdict controversé, une pointe d'hostilité a transparu des propos du juge Michael Snow, devant lequel Julian Assange a été présenté le 11 avril, qui a qualifié le lanceur d'alerte de «narcissique incapable de voir au-delà de son propre intérêt». Sans surprise, l'argument du lanceur d'alerte selon lequel il disposait d'une excuse «raisonnable» en mai 2012 pour ne pas se présenter à son contrôle judiciaire n'a pas été retenu, et il a été déclaré coupable de violations des conditions de sa liberté provisoire.
Inculpé par Washington
Bien entendu, cette accusation peine à masquer les véritables reproches qui sont faits à l'Australien, à savoir la publication de milliers de documents confidentiels de l'armée américaine. La police britannique a ainsi confirmé que Julian Assange faisait bel et bien l'objet d'une «demande d'extradition américaine», comme de nombreuses spéculations l'affirmaient depuis des mois.
La département américain de la justice a dans la foulée annoncé le motif de l'inculpation du lanceur d'alerte, qui constitue une petite surprise. Plutôt que de le poursuivre pour la publication de documents classifiés voire pour espionnage, la cour fédérale de Virginie, en charge de l'affaire, a inculpé Julian Assange pour association de malfaiteurs en vue de commettre un «piratage informatique». L'Australien est accusé d'avoir aidé l'ex-analyste du renseignement américain Bradley Manning – ancien soldat américain mobilisé en Irak, devenu depuis Chelsea Manning après une opération de changement de sexe – à obtenir un mot de passe lui ayant permis d'accéder à des milliers de documents classés secret-défense, un délit passible d'une peine maximale de cinq ans de prison.
Mais la bataille judiciaire ne fait que commencer, Julian Assange ayant l'intention de «contester et combattre» la demande d'extradition, selon son avocate Jennifer Robinson, pour qui l'arrestation du lanceur d'alerte «crée un dangereux précédent pour les organes de presse et les journalistes» dans le monde.
Julian Assange est dans le viseur de Washington depuis 2010, lorsqu'il a créé un véritable tremblement de terre géopolitique en diffusant 70 000 documents confidentiels sur les opérations de la coalition internationale en Afghanistan, puis 400 000 rapports concernant l'invasion américaine en Irak quelques mois plus tard, et enfin le contenu de 250 000 câbles diplomatiques américains. Autant de documents militaires classifiés qui révèlent l'ampleur des défaillances de l'armée américaine en Afghanistan et Irak.
Parmi ceux-ci se trouvent par exemple les images filmées d'un hélicoptère de l'armée américaine à Bagdad qui lance une attaque causant la mort de deux journalistes de Reuters, les soldats ayant confondu des caméras avec des lance-roquettes. Des images qui ont fait le tour de monde, suscitant des doutes accrus sur une intervention dont la légitimité était déjà remise en cause.
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