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Royaume-Uni : 9 milliards d'euros d'argent public détournés, notamment pour financer Al-Qaïda

Pendant des décennies, un groupe a détourné plus de 9 milliards des caisses de l'Etat britannique grâce à une fraude à la TVA. L'inaction des autorités interroge, une partie des fonds ayant permis de financer Al-Qaïda au Pakistan et en Afghanistan.

Le Sunday Times a révélé dans une enquête publiée le 31 mars qu'une bande organisée avait détourné plus de 8 milliards de livres sterling (9,3 milliards d'euros) des caisses de l'Etat ces 20 dernières années. L'ampleur réelle de la fraude est toutefois encore inconnue, les 8 milliards de livres en question ne concernant que le volet lié à l'argent public détourné, notamment via une vaste fraude à la TVA. Le gang avait diversifié ses activités en commettant des arnaques aux prêts immobiliers ou encore aux cartes de crédit, qui n'ont pas encore été comptabilisées.

D'après le Sunday Times, un pourcent de cette somme – soit 93 millions d'euros – a été envoyé à Al-Qaïda au Pakistan et en Afghanistan pour financer des madrasas (écoles islamiques), mais aussi des camps d'entraînement terroristes. Selon des sources au sein du renseignement britannique (MI5) cités par l'hebdomadaire, une partie de l'argent est également arrivée jusqu'à Oussama ben Laden à Abbottabad, au Pakistan, avant sa mort en 2011.

Le groupe de «Britanniques d'origine asiatique», selon les termes employés par le Sunday Times, était en outre proche du prédicateur Abou Hamza, aujourd'hui emprisonné aux Etats-Unis, et de Shehzad Tanweer, l'un des terroristes qui a commis les attentats de Londres de 2005. Parmi les détails révélés par l'hebdomadaire, on apprend aussi que le groupe avait infiltré des agences gouvernementales et ne se privait pas de côtoyer le gratin politique britannique.

J'ai moi-même vu un des membres épaule contre épaule avec Tony Blair

«Il y a plusieurs membres du gang impliqués dans des think tanks et des forums économiques grâce auxquels ils sont en contact avec des hommes politiques britanniques de premier plan. J'ai moi-même vu un des membres épaule contre épaule avec Tony Blair, à au moins deux occasions après la guerre en Irak», a ainsi confié un agent des Recettes et Douanes de Sa Majesté (HMRC, l'organisme responsable de la collecte des taxes) qui a enquêté sur la fraude à la TVA, au Sunday Times. L'enquête du HMRC montre également que le gang entretenait des liens avec un homme politique de premier plan au Pakistan.

L'inaction du HMRC

Alors qu'il enquête depuis des années sur les activités du groupe, le HMRC n'a pourtant pratiquement rien fait pour empêcher le réseau de poursuivre ses activités, selon l'hebdomadaire. D'après les dossiers qu'il a pu consulter, le Sunday Times a révélé qu'au moins quatre agents du HMRC avaient imploré leurs supérieurs de lancer des poursuites contre des membres du groupe. En vain : leurs demandes ont invariablement été rejetées «en raison de leur nature complexe et de leur manque de ressources».

Et ce même quand un agent du HMRC, peu après les attentats du 11 septembre, s'était dit «prêt à rencontrer quelqu'un des services de renseignement» avec les informations à la disposition de l'agence, qui avaient «pris une toute nouvelle signification» suite à l'attaque. «Les agents et leur hiérarchie directe sont frustrés par le manque d'action», est-il notamment écrit dans un dossier. Les informations en question n'ont en effet jamais été transmises au MI5, afin de protéger la «confidentialité des données fiscales des suspects», note le journal. Les agents du HMRC avaient également identifié les liens entre le groupe et Shehzad Tanweer – le terroriste impliqué dans les attentats Londres, qui ont tué 52 personnes – au moins deux ans avant l'attaque, sans que ces informations ne parviennent au MI5.

Malgré tout, des procès portant sur le volet des fraudes ont eu lieu dès 1995, et certains membres du groupe, des «petites mains», ont été condamnés à des peines de prison, qu'ils ont parfois même déjà purgées. Mais ces procès sont toujours restés confidentiels : des ordonnances judiciaires ont en effet interdit de divulguer le nom des personnes impliquées dans les affaires. Les autorités estimaient que cela aurait pu nuire à un éventuel procès des têtes pensantes du groupe. Qui n'ont, elles, jamais été inquiétées.

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