Les eurodéputés ont approuvé ce 26 mars la réforme européenne du droit d'auteur, une victoire pour les grands groupes de presse et les artistes célèbres mais un revers pour les géants américains du numérique, comme Google, et les partisans de la liberté du net.
«C'est une victoire historique pour les créateurs européens»
Sur les 658 eurodéputés présents en plénière à Strasbourg, 348 ont dit oui à la réforme, 274 s'y sont opposés et 36 se sont abstenus. Présentée par la Commission européenne en septembre 2016, cette réforme aux enjeux financiers conséquents a fait l'objet d'un lobbying sans précédent de la part de ses partisans comme de ses opposants, mobilisés jusqu'au dernier jour. Le texte entend adapter à l'ère du numérique la législation européenne du droit d'auteur datant de 2001, alors que YouTube, détenu par Google, n'existait pas encore.
«C'est une victoire historique pour les créateurs européens, qui pourront désormais exercer leurs droits et recevoir une rémunération équitable de plateformes telles que YouTube», s'est félicité le groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC), qui représente plus d'un million d'ayants droit dans le domaine de la musique, des arts plastiques, de l'audiovisuel, du théâtre.
Les partisans de la réforme insistaient pour que les géants américains, tels Google et Facebook, qui profitent des retombées publicitaires générées par les œuvres qu'ils hébergent, rétribuent plus justement les créateurs.
Dans l'autre camp, les géants de la Silicon Valley, mais aussi les partisans d'un internet libre, craignaient de voir restreint ce canal de diffusion. Le 23 mars, des manifestations avaient eu lieu un peu partout dans l'UE, à l'appel de Save the internet, un collectif que Google affirme «ne pas financer» et qui est mobilisé depuis des mois pour la défense de «l'échange libre d'opinions sur internet». En Allemagne, cœur du mouvement de contestation, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs villes.
Deux articles contestés
Dans le collimateur des opposants à la réforme, deux articles : le 13 qui a pour objectif de renforcer la position de négociation des créateurs et ayants droit(compositeurs, artistes...) face aux plateformes comme YouTube ou Tumblr, qui utilisent leurs contenus. Il tient désormais les plateformes juridiquement responsables des contenus, les forçant à s'assurer qu'ils respectent bien le droit d'auteur. Or, pour trier les contenus, le plus simple est d'utiliser des filtres de téléchargement automatiques, mais ceux-ci sont accusés par les partisans de la liberté sur internet d'ouvrir la porte à une forme de censure.
«Les filtres de téléchargement ne fonctionnent pas pour la simple raison que les algorithmes sont incapables de faire la différence entre les violations du droit d'auteur et les usages légaux, comme par exemple les parodies», s'est emporté Julia Reda, eurodéputée allemande de 32 ans, seule représentante du Parti pirate au parlement européen.
Autre article, particulièrement contesté, le 11, qui préconise la création d'un «droit voisin» du droit d'auteur pour les éditeurs de presse. Il doit permettre aux médias, comme l'Agence France-Presse (AFP), de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'informations, comme Google News, ou des réseaux sociaux, comme Facebook.
Une partie de la directive européenne «rapidement» transposée en droit français
Les Etats membres (qui doivent encore donner leur aval définitif à la réforme) auront deux ans pour transposer le texte dans leur droit national après sa publication au journal officiel de l'UE. «[En France], le combat de Franck Riester, ministre de la Culture, en faveur du droit d'auteur va s'illustrer par une transposition d'une partie de la directive (droits voisins) dans le droit français très rapidement», a déclaré son cabinet à l'AFP, visant le mois de mai.
«La directive, si elle est bien transposée, peut contribuer au maintien d’un journalisme de terrain dont tout montre que c'est encore le meilleur moyen de lutter contre la désinformation», a réagi le PDG de l'AFP, Fabrice Fries.
Pour Google, le texte «va conduire à de l'insécurité juridique et va nuire aux économies créatives et numériques de l'Europe». Et d'ajouter: «Les détails sont importants, et nous nous réjouissons de travailler avec les décideurs politiques, les éditeurs, les créateurs et les ayants droit alors que les États membres de l'UE s'apprêtent à transposer ces nouvelles règles.»
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