Le conducteur de bus d'origine sénégalaise qui avait incendié son véhicule vers Milan, avec 51 collégiens à bord, voulait en fait détourner celui-ci afin de quitter le sol italien.
«Je voulais aller sur la piste de l'aéroport de Linate avec les enfants que j'aurais utilisés comme un bouclier, et de là partir en avion pour l'Afrique de manière éclatante», a-t-il expliqué lors de l'un de ses premiers interrogatoires, cité par le journal Corriere della Sera.
«Je ne voulais faire de mal à personne», a assuré le chauffeur Ousseynou Sy, qui a été bloqué par des carabiniers sur la route avant de mettre le feu au bus. Tous les enfants étaient parvenus in extremis à s'échapper par des vitres arrières brisées par les militaires.
Il a justifié son geste en affirmant vouloir attirer l'attention sur le drame des migrants morts en Méditerranée.
Le 22 mars, il a réitéré cette volonté de ne pas faire de mal aux enfants, lors d'un nouvel interrogatoire, selon les médias italiens.
«J'entendais les voix des enfants en mer qui me disaient : "Fais quelque chose d'éclatant pour nous mais sans faire de mal aux enfants"», a-t-il déclaré aux enquêteurs, selon ces sources.
Paroles délirantes laissant penser à un moment de folie ? L'avocat d'Ousseynou Sy a en tout cas demandé une expertise psychiatrique pour son client.
L'homme de 47 ans aurait selon le Corriere della Sera exprimé sa haine «des blancs» qui ont «envahi et colonisé» l'Afrique, obligeant aujourd'hui les Africains à émigrer et «mourir en Méditerranée».
Le chef de la cellule antiterrorisme de Milan, Alberto Nobili, a d'ailleurs fait savoir que l'homme avait posté sur Youtube une vidéo avec pour message «Afrique soulève-toi».
Le chauffeur a aussi confié aux enquêteurs que la saisie le 19 mars par l'Italie du navire humanitaire Mare Jonio, bloqué au large de l'île italienne de Lampedusa avec 48 migrants à bord, avait constitué pour lui un facteur déclenchant.
Un geste qu'il ne regrette pas
Citoyen italien depuis 18 ans, il n'a exprimé aucun regret pour son action : «C'était une chose que je devais faire et que je referais. 100 fois. Pourquoi l'ai-je fait ? Pour envoyer un signal à l'Afrique. Les Africains doivent rester en Afrique.»
Il confirme en outre avoir mûri sa décision depuis quelque temps.
Le quotidien Messagero affirme d'ailleurs le 22 mars qu'il aurait fait une première tentative deux jours avant les faits. «Il a essayé de changer de parcours, mais un professeur est intervenu et a dit "Qu'est-ce que tu fais ? Prends la bonne route"», ont rapporté trois élèves au journal. Ce jour-là, le chauffeur leur était apparu particulièrement nerveux et aurait insulté un jeune.
Luigi Di Maio, vice-Premier ministre et chef de file du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) a dû une nouvelle fois se défendre le 22 mars de jeter de l'huile sur le feu dans son pays, aux côtés de son partenaire au gouvernement Matteo Salvini, chef de La Ligue (droite radicale). «Il faut que le ton reste mesuré, je suis d'accord, mais les partis d'opposition se livrent eux-mêmes à une instrumentalisation en parlant de haine quand cela n'est pas nécessaire», a-t-il affirmé. Pour lui, le chauffeur est avant tout «un criminel [et] même si sa naissance avait eu lieu en Italie, il resterait un criminel».
Le ministre de l'Intérieur du gouvernement sortant, Marco Minniti, avait estimé le 21 mars qu'un «continuel bombardement médiatique [était] dangereux, car les mots ont un poids».