Dans une lettre à leur directeur, plusieurs journalistes de la radio nationale algérienne ont dénoncé, ce 24 février, le silence imposé par leur hiérarchie sur les récentes manifestations en Algérie, dénonçant le «traitement exceptionnel» réservé au camp du président Abdelaziz Bouteflika.
Les antennes et chaînes de la radio et télévision publiques algériennes ont totalement passé sous silence les manifestations ayant rassemblé le 22 février plusieurs milliers de personnes à travers le pays contre la candidature du président Bouteflika à un cinquième mandat.
Nous sommes le service public et non des journalistes étatiques
Les auteurs de la lettre – qui n'ont pas signé mais qui affirment appartenir aux différentes antennes de la radio publique – dénoncent le «non-respect de la neutralité dans le traitement de l'information au sein» des rédactions de la radio. «Nous sommes le service public et non des journalistes étatiques», ont-ils affirmé dans ce texte transmis à l'AFP. «La radio algérienne appartient à tous les Algériens [...] Notre devoir est de tous les informer».
«La décision de la hiérarchie de passer sous silence les grandes manifestations nationales de ce 22 février 2019 n'est que l'illustre enfer de l'exercice au quotidien de notre métier», ont-ils ajouté. Ils disent en outre refuser «le traitement exceptionnel dérogatoire imposé par la hiérarchie au profit du président [Abdelaziz Bouteflika] et de l'alliance présidentielle, et restrictif quand il s'agit de l'opposition».
Evoquant d'«extrêmes tensions au sein des rédactions», ils appellent le directeur général de la radio nationale, Chabane Lounakel, à travailler avec eux «dans le seul intérêt d'informer en toute objectivité» les Algériens. Le 23 février, une rédactrice en chef de la radio nationale, Meriem Abdou, a annoncé à l'AFP et sur les réseaux sociaux qu'elle démissionnait de ses fonctions pour protester contre cette absence de couverture. Outre les médias audiovisuels publics, les chaînes d'information privées, souvent propriété d'hommes d'affaires proches du pouvoir, ont également largement passé sous silence les manifestations.
Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées le 22 février dans plusieurs villes du pays dont Alger, où les manifestations sont interdites, pour protester contre le cinquième mandat que brigue le président Bouteflika à la présidentielle du 18 avril. Ce 24 février, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans le centre d'Alger. Au pouvoir depuis 1999 et affaibli par les séquelles d'un AVC dont il a été victime en 2013, Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, a été systématiquement réélu au premier tour avec plus de 80% des voix depuis 2004.