La France a reçu, de la part de l'Italie, une première demande d'extradition d'un ancien militant d'extrême gauche des «années de plomb», a annoncé le 13 février à l'AFP le porte-parole du ministère de la Justice français Youssef Badr.
«Nous avons reçu la semaine dernière une demande d'extradition. [...] Une deuxième demande devrait nous parvenir prochainement», a annoncé la Chancellerie. «A ce jour, les échanges entre les ministères de la Justice français et italien portent sur une quinzaine de dossiers», a-t-il ajouté, alors qu'une réunion de travail se tenait le même jour à Paris entre magistrats français et italiens.
Pour Irène Terrel, avocate de plusieurs de ces anciens militants italiens interrogée par RT France, l’hypothèse de l'extradition est «inenvisageable» car totalement irrecevable du point de vue du droit.
«Cette demande fera l'objet d’une analyse approfondie», assure pourtant Youssef Badr. Toutes les demandes seront examinées «au cas par cas». C'est le ministère de la Justice «qui prend la décision de transmettre ou non» aux autorités judiciaires françaises les demandes d'extradition. Il vérifie en particulier «la régularité de la requête, dont la prescription des faits et le caractère politique de l'infraction».
Pour l'avocate des personnes concernées, il y a non seulement prescription d'un point de vue juridique, mais aussi éthique et politique : «Ce sont des faits qui remontent à 40 ans et ils concernent des gens qui sont ici depuis une trentaine d'années, qui ont fait leur vie ici, ils ont des enfants français et sont totalement insérés dans la société française». L'avocate rappelle en outre que l'Etat français, toutes tendances politiques confondues, a accordé le droit d'asile pendant plus de 30 ans à ces personnes. «On ne peut pas accueillir des gens pendant des dizaines d'années et tout d'un coup, au prétexte de je ne sais quelle déclaration politicienne, se servir d'eux comme des otages». Car selon Irène Terrel, qui n'hésite pas à parler de «vendetta politicienne», il s'agit d'une affaire éminemment politique . «On est en train d'instrumentaliser cette question-là à des fins purement politiciennes», déplore-t-elle.
Sur fond de tensions diplomatiques entre la France et l'Italie, notamment sur les dossiers des migrants, de l'Afrique et des Gilets jaunes, le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini a en effet récemment exigé l'extradition des militants d'extrême gauche réfugiés dans l'Hexagone.
Il a notamment affirmé que la France abritait depuis des décennies des «assassins ayant tué des innocents» pendant les années de plomb et s'est dit prêt à rencontrer le président Emmanuel Macron à Paris pour faire avancer ce dossier. Le ministre italien estime qu'il y aurait «une quinzaine» d'anciens militants d'extrême gauche des «années de plomb», qu'il qualifie de «terroristes», qui «mènent la belle vie en France» alors qu'ils ont été condamnés.
Pour Irène Terrel, l'asile accordé à ces personnes ne peut absolument pas être remis en cause aujourd'hui comme il aurait pu l'être il y a 40 ans. «40 après les faits, ces hommes ne sont plus les mêmes, les gens changent, assure-t-elle. En France, on a une tradition d'amnistie. Il faut passer à un temps historique, on n'est plus dans le temps judiciaire ou dans celui de la répression. Ces gens ont fait leurs preuves, ils ont respecté l'asile qui leur a été accordé en échange de l'abandon de toute violence politique.»
La France a rappelé le 7 février son ambassadeur à Rome pour «consultations», après des «accusations répétées, d[es] attaques sans fondements, d[es] déclarations outrancières», selon un communiqué du Quai d'Orsay.
L’arrestation, le 12 janvier en Bolivie, du plus célèbre des anciens militants italiens d’extrême gauche des «années de plomb», Cesare Battisti, ex-activiste du groupe Prolétaires armés pour le communisme, a été le point de départ de cette revendication de l'Italie concernant l'extradition de toutes les personnes liées à ces événements réfugiées en France.
Meriem Laribi
Lire aussi : Salvini et Bolsonaro se félicitent de l'extradition prochaine de Cesare Battisti