Le Kremlin s'est insurgé le 4 février contre une «ingérence» des Européens après la reconnaissance par plusieurs capitales, comme Paris, Londres, Berlin ou Madrid de l'opposant Juan Guaido en tant que président par intérim du Venezuela (président «en charge» , selon l'expression choisie par la France), à la suite de l'expiration de leur ultimatum adressé à Nicolas Maduro pour organiser une présidentielle anticipée.
Nous percevons les tentatives de légitimer l'usurpation du pouvoir comme une ingérence directe et indirecte dans les affaires intérieures du Venezuela
«Nous percevons les tentatives de légitimer l'usurpation du pouvoir comme une ingérence directe et indirecte dans les affaires intérieures du Venezuela», a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. «Cela ne favorise en aucun cas le règlement pacifique, efficace et viable de la crise que traverse le Venezuela», a-t-il poursuivi, estimant que «toute solution» ne devait «être trouvée que par les Vénézuéliens eux-mêmes».
S’ils affirment que l’élection n’a pas été légitime, pourquoi n’ont-ils rien dit depuis mai 2018 ?
En déplacement à Bichkek, la capitale du Kirghizistan, le 4 février, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, avait auparavant estimé que la position européenne sur le Venezuela, consistant à fixer un ultimatum à Nicolas Maduro, ne correspondait en rien à un effort de médiation. «C’est incroyable que l’Union européenne marche de nouveau dans les pas des Etats-Unis et commence à lancer des ultimatums, insistant sur le fait que la réélection du président Maduro pour un second mandat n’ait pas été légitime [...] Mais s’ils affirment que l’élection n’a pas été légitime, pourquoi n’ont-ils rien dit depuis mai 2018 ?», a-t-il demandé.
L’opposition dirigée par Juan Guaido refuse le dialogue et lance un ultimatum, réclamant la démission de Nicolas Maduro et la passation de pouvoir aux forces d’opposition
Sergueï Lavrov a rappelé la volonté de négociation de Nicolas Maduro, selon lui ignorée par Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale et président par intérim autoproclamé. «Nous nous félicitions du fait que le président Maduro se soit tenu prêt à maintes reprises à un tel dialogue, sans ultimatums ni conditions préalables. Malheureusement, l’opposition dirigée par Juan Guaido refuse le dialogue et lance un ultimatum, réclamant la démission de Nicolas Maduro et la passation de pouvoir aux forces d’opposition», a-t-il déclaré.
Un groupe de travail sans la Russie
L'UE a annoncé son intention de monter un groupe de travail afin d'établir une démarche commune concernant la mise en place de nouvelles élections, une initiative contestée par le ministre russe des Affaires étrangères.
Pourtant ils n’ont invité ni la Russie, ni la Chine, ni même les Etats-Unis
«L’Union européenne a proposé de créer un groupe de contact dans lequel elle a elle-même inclus certains pays-membres, huit ou dix environ, et un nombre comparable de pays d’Amérique latine [...] Pourtant ils n’ont invité ni la Russie, ni la Chine, ni même les Etats-Unis [...] Ça serait probablement plus civilisé et efficace de réunir toutes les parties intéressées au règlement de la crise au Venezuela pour qu’ils discutent des moyens d’aider ce peuple avant de faire des déclarations», a-t-il tancé.
L'Espagne, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Portugal avaient donné le 26 janvier un délai de huit jours à Nicolas Maduro pour convoquer une nouvelle élection présidentielle, faute de quoi ils reconnaîtraient, à l'instar des Etats-Unis, Juan Guaido comme président par interim. Dans un entretien avec la chaîne de télévision espagnole La Sexta diffusé le 3 février au soir, Nicolas Maduro avait rejeté cet ultimatum, déclarant qu'il ne ferait pas preuve de «lâcheté face aux pressions» de ceux qui réclament son départ. Pour autant, il s'était dit favorable à l'idée de législatives anticipées.
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