La crise linguistique couve dans l’Ontario : la décision mi-novembre du gouvernement, dirigé par les conservateurs, d’annuler la construction de la première université francophone – officiellement pour des raisons budgétaires – n’est pas sans susciter la colère des populations francophones.
Pour signifier leur désaccord, des milliers de francophones s'étaient rassemblés le 1er décembre dans une quarantaine de localité de la province canadienne. Attendue avec impatience par les 600 000 francophones de la province (4% de la population), cette université devait initialement voir le jour à Toronto en 2020. Les manifestants ont par ailleurs dénoncé la décision des autorités de supprimer les subventions distribuées à des troupes de théâtre de langue française.
«Clairement, ces décisions sont inacceptables», a regretté Mélanie Joly, ministre fédéral des Langues officielles, venue manifester à Ottawa, la capitale du pays. Elle a en outre assuré que le gouvernement fédéral de Justin Trudeau était disposé à financer à hauteur de 50% ce projet d'université, si la province devait revenir sur sa décision.
«Ce n'est pas correct comme décision, ils nous enlèvent des droits et si on ne dit rien, ils vont continuer à nous en enlever, donc il faut protester», a déclaré à l'AFP Lucie Paquette, une manifestant qui a pris part à la manifestation. En signe de solidarité avec les manifestants, l'Assemblée nationale du Québec a hissé le drapeau blanc et vert des Franco-Ontariens.
L’enseignement du français demeure une question sensible dans cette province en raison d’un lourd passif historique. En 1912, les autorités de l’époque avaient interdit l'enseignement et l'usage du français dans les écoles primaires par crainte que les francophones, majoritaires dans le Québec voisin, ne le deviennent également dans l’Ontario.
Un siècle plus tard, en février 2016, Kathleen Wynne, alors Premier ministre de l’Ontario, avait présenté ses excuses à la minorité francophone et aboli cette loi. «Les écoles qui maintenaient l'enseignement en français perdaient leur financement. Les enseignants perdaient leur brevet. La communauté francophone, les Franco-Ontariens perdaient leur langue», avait t-elle rappelé dans une déclaration solennelle effectuée en français et en anglais devant l'Assemblée législative de la province à Toronto.
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