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Libye : la Belgique a-t-elle financé des milices faisant du trafic d'êtres humains?

La Belgique est encore éclaboussée dans l'affaire des fonds gelés de la Libye. Selon des informations publiées par la RTBF, le royaume aurait contribué au financement de milices libyennes responsables de trafic d'êtres humains.

La rédaction de la Radio-Télévision belge francophone (RTBF) a mené l'enquête dans l'affaire des fonds gelés de feu Mouammar Kadhafi et rapporte que l'Etat belge aurait joué un rôle dans le financement de milices libyennes coupables de trafic d'être humains. 

Selon les informations recueillies par le média public belge auprès d'une source «proche du milieu des agents secrets» sous couvert d'anonymat, les milices qui opèrent en Libye depuis la chute de Kadhafi en 2011 n'ont guère eu de difficultés à s'approvisionner en armements. «Certains pays les ont ouvertement armés mais ils ont trouvé l’armement par d’autres voies», déclare-t-elle. Elle évoque également «un ou deux scandales liés à des avions stoppés sur l’aéroport d’Ostende [Bruges, Belgique] avec des armes à l’intérieur».

Trafics d'êtres humains

Pour rappel, après la mort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi en 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé le gel des actions et obligations libyennes.

En Belgique, les avoirs libyens devaient être gelés dans quatre banques : BNP Paribas Fortis (43 millions), ING (376 millions), KBC (869 millions) et surtout Euroclear Bank (12,8 milliards). Pourtant, quelques années plus tard, selon RTBF, il est apparu que les intérêts et dividendes n'avaient pas été gelés et que dès 2012, entre trois et cinq milliards d'euros d'intérêts et de dividendes avaient quitté des comptes belges, sans que l'on sache exactement ce qu'il est advenu de cet argent.

Il y a tout un marché qui vise à faire venir des migrants et à engager des Nigérianes dans des réseaux de prostitution.

Déjà début septembre, un rapport de l'ONU faisait état de faits gênants pour l’Etat belge. Le journal belge Le Vif révélait qu'en 2012 et 2013, des millions d'euros d'intérêts avaient quitté les comptes belges d'Euroclear pour probablement atterrir auprès du fonds souverain Lybian Investment Authority (LIA). Or, selon le rapport onusien, cela «va à l’encontre du régime des sanctions».

«Dans ce rapport, on s’aperçoit qu’il y a un problème de trafic d’armes pour alimenter des factions armées. Il y a tout un marché qui vise à faire venir des migrants et à engager des Nigérianes dans des réseaux de prostitution. C’est une entreprise mafieuse mais qui s’appuie sur toutes les milices en question. Elles reçoivent des fonds extérieurs», commente pour la RTBF Robert Wtterwulghe, professeur émérite à l'Université catholique de Louvain.

Financement de la guerre civile libyenne ?

Des parlementaires belges ont interpellé à plusieurs reprises leur gouvernement sur cette question et un certain nombre d'entre eux ont dénoncé le manque de réponse des autorités, parlant d'«une loi d'omerta» et d'«un manque de transparence» dans une affaire qui «entache» la réputation du royaume. Avec cette nouvelle révélation, une explication du gouvernement belge se fera d'autant plus attendre. En effet, selon la source anonyme de la RTBF, «il s’agit d’un financement potentiel d’une guerre civile depuis sept ans. Guerre civile qui a entraîné une crise migratoire majeure».

Le juge d'instruction Michel Claise a été saisi de l'affaire. Une instruction est donc en cours mais pour l'heure peu d'éléments filtrent à ce sujet. Les parlementaires envisagent d'entendre les experts du rapport de l'ONU à ce sujet. 

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