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Israël menace de démolir un village palestinien, emblématique de la résistance à l'occupation

Ballotté entre les critiques internationales et les pressions de l'aile la plus droitière de son gouvernement, Benjamin Netanyahou a formulé deux déclarations contradictoires sur la démolition d'un village en Cisjordanie occupée.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a fait deux déclarations contradictoires dans la matinée du 21 octobre, à propos de la démolition du village bédouin palestinien de Khan al-Ahmar ordonnée début septembre par la Cour suprême israélienne.

Tôt dans la matinée, le cabinet de Benjamin Netanyahou a annoncé la suspension sine die du projet de démolition de Khan al-Ahmar, commune de 200 âmes proche de Jérusalem. «L'objectif est de laisser une chance aux négociations et aux propositions que nous avons reçues de différentes parties, y compris ces derniers jours», a-t-il fait savoir.

Or, cette annonce a provoqué une levée de boucliers au sein de la classe politique israélienne la plus à droite. Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, a ainsi exprimé son opposition à la décision de report du projet de démolition et un député a même proposé d’organiser dès le 22 octobre une manifestation dans le village de Khan al-Ahmar. 

En fin de matinée, Benjamin Netanyahou a finalement affirmé que la destruction aurait bien lieu prochainement et que Khan al-Ahmar serait évacué dans les plus brefs délais.

Une réunion extraordinaire du Cabinet de sécurité israélien devait avoir lieu dans la journée à Jérusalem pour statuer sur le sort de ce village palestinien.

«Nous ne faisons pas confiance aux juifs»

Le village de Khan al-Ahmar, situé à l'extérieur de Jérusalem entre deux colonies, près de la route menant à Jéricho, est l'objet d'années de bataille judiciaire car il est emblématique de l'opposition à l'occupation et à la colonisation israéliennes des territoires palestiniens. Fait de tôle et de toile, il abrite environ 200 Bédouins.

L'ordre de quitter le village fait suite à des années de bataille juridique, après l'échec de négociations sur un éventuel déplacement. Des initiatives informelles ont toutefois émergé afin de trouver un compromis, selon l'un des avocats de la communauté bédouine cité par l'AFP. «Nos propositions sont basées sur ce que nous avons dit à la Cour, que nous sommes disposés à nous déplacer quelques centaines de mètres plus au nord», a expliqué Tawfik Jabarine, précisant que le gouvernement israélien n'avait pas encore réagi à cette offre.

En tout état de cause, ce 21 octobre, les habitants du village bédouin ont réitéré leur intention de ne pas bouger, se disant déterminés à «rester sur [leur] terre». Selon Ibrahim Abou Dahuk, un habitant qui a répondu à l'AFP, le report annoncé pourrait cacher une «ruse», afin que les militants défendant le village s'en aillent, facilitant ainsi l'expulsion des bédouins et la démolition de leurs habitations. «Nous ne faisons pas confiance aux juifs», a-t-il ajouté, en référence aux occupants israéliens.

Lors d'une manifestation dans le village, le 19 octobre, des affrontements entre des manifestants palestiniens et les forces israéliennes ont fait plusieurs blessés parmi les manifestants, dont le ministre palestinien en charge de la «Lutte contre l'occupation», Walid Assaf.

Pressions internationales sur Israël

Selon le correspondant de RFI à Jérusalem, l’installation d’une colonie de peuplement en lieu et place de Khan al-Ahmar «couperait les territoires palestiniens de Cisjordanie en deux et ne permettrait plus l’existence d’un Etat palestinien viable».

Ce projet d'Israël rencontre une forte opposition internationale : huit pays européens dont la France et la Belgique ont ainsi signé fin septembre un texte pour mettre en garde les autorités israéliennes sur les conséquences qu’aurait cette démolition programmée. «Nous appelons les autorités israéliennes à revoir leur décision de démolir Khan al-Ahmar», ont écrit dans une déclaration à l'ONU les huit Etats européens (Pays-Bas, Suède, Pologne, Royaume-Uni, France, Belgique, Allemagne et Italie).

«Les conséquences d'une démolition de cette communauté et du déplacement de ses habitants, y compris des enfants, pourraient être très graves, menaceraient sérieusement la viabilité de la solution à deux Etats et compromettraient les perspectives de paix», peut-on également lire dans le texte. Les huit pays y rappellent que la politique de colonisation d'Israël est «illégale en vertu du droit international». «Les Etats membres de l'Union européenne n'abandonneront pas la solution négociée de deux Etats» au Proche-Orient, «avec Jérusalem comme future capitale des deux Etats», israélien et palestinien, souligne la déclaration. Le 17 octobre, le procureur de la Cour pénale internationale avait prévenu Israël qu'une «évacuation par la force» risquait de constituer un «crime de guerre».

Pour les organisations hostiles à l'occupation israélienne, ainsi que pour l'Union européenne ou l'ONU, l'affaire dépasse largement le village en question : d'après elles, l'avenir de milliers d'autres bédouins de Cisjordanie est en jeu. Elles craignent que la destruction de Khan al-Ahmar n'ouvre la voie à de nouvelles constructions de colonies dans un secteur stratégique : cette opération permettrait en effet d'étendre et de relier de larges blocs de colonies autour de Jérusalem. Cela achèverait de boucler Jérusalem et de restreindre l'accès des Palestiniens de Cisjordanie à la partie orientale de la ville sainte, rendant encore plus incertaine la création d'un Etat palestinien. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est, annexée par Israël, la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.

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