Garant de la sécurité des passagers à bord de l'avion, le personnel navigant doit être opérationnel dans l'exercice de ses fonctions, nonobstant ses conditions de travail. Qu'en est-il chez Ryanair ?
Dans la journée du 14 octobre 2018, une photo relatant un incident de la veille au soir a été diffusée sur les réseaux sociaux, créant une nouvelle polémique autour du respect des normes de travail par la compagnie aérienne irlandaise à bas coûts.
Accompagnant cette image, sur laquelle on peut distinguer six employés allongés à même le sol en uniforme, le texte décrit ce qui s'apparente à des conditions de travail anormales vécues par les salariés du géant européen du low-cost. Sur Facebook, la page «Ryanair MUST change» affirme ainsi que des membres d'équipage portugais de Ryanair ont «échoué» sur le sol d'une salle de travail à l'aéroport de Malaga, en Espagne, après le déroutement de leur avion, en raison des conditions climatiques difficiles. «La compagnie les a laissés là», peut-on lire.
Ryanair : la politique de l'improvisation ?
La-dite photo a été prise dans la nuit du 13 au 14 octobre. Annoncée comme l'un des pires ouragans qu'a connus le Portugal depuis 1842, la tempête Leslie a touché le pays, provoquant en amont une série d'annulations de vol et/ou de précautions organisationnelles de la part des compagnies aériennes opérant dans la zone géographique impactée.
Le 13 octobre, quatre avions de Ryanair transportant plus de 700 passagers à destination de Porto ont dû se rabattre sur Malaga.
Contacté par RT France, Fernando Gandra, ancien steward chez Ryanair et actuel porte-parole du syndicat portugais SNPVAC, explique avoir pris connaissance de la chronologie des faits via une description établie par ses anciens collègues : «Le 13 octobre, quatre avions de Ryanair transportant plus de 700 passagers à destination de Porto ont dû se rabattre sur Malaga. Le personnel de l'aéroport n'était pas préparé à cette situation. Tous les membres d'équipage – six par avion, soit un total de 24 employés – ont été envoyés au centre des opérations de Ryanair où beaucoup de salles était fermées à clef, ne laissant l'accès qu'à la salle principale qui ne disposait que de huit sièges.»
Affirmant que Ryanair était la seule compagnie à ne pas avoir anticipé la situation pour ses membres d'équipage, l'ancien employé précise : «Tous les services de l'aéroport étaient fermés et les 24 employés [ont été placés dans cette salle] jusqu'à 6h du matin [...] Un des commandants de bord a contacté le centre des opérations de Ryanair basé à Dublin, sans en obtenir la moindre volonté de trouver où loger les employés dans l'attente.»
La photo a été prise en guise de protestation.
Une situation ubuesque qui devrait être dénoncée selon Fernando Gandra : «La photo a été prise en guise de protestation», affirme-t-il, précisant que les employés n'avaient rien pu boire ni manger pendant la nuit. Il ajoute que ceux-ci ont été découverts à 6h du matin par leurs homologues basés à Malaga, ces derniers ayant à ce moment pu arranger un transfert de leurs collègues «au salon VIP de l'aéroport».
Le chef du centre des opérations de Ryanair, Peter Bellew, a quant à lui commenté la situation sur Twitter, dans la journée du 15 octobre. Il répondait alors à un internaute qui, sur un ton ironique, comparait l'important chiffre d'affaires de la compagnie aérienne irlandaise et les conditions de travail de ses salariés. Exprimant ses excuses auprès des employés concernés, Peter Bellew a affirmé que la compagnie n'était pas parvenue à leur trouver des chambres d’hôtel, ces derniers affichant tous complets à Malaga.
Insistant sur le fait que ce genre d'incidents était «très fréquent» chez Ryanair, le syndicaliste Fernando Gandra assure qu'un rapport détaillé est sur le point d'être envoyé à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (l'AESA), ainsi qu'aux équivalents espagnol, portugais et irlandais de la direction générale de l'aviation civile française.
Mobilisations d'employés de Ryanair contre des conditions de travail «inacceptables»
Estimant que les prises de conscience se multiplient aux quatre coins de l'Europe au sujet des «pratiques salariales lamentables» de Ryanair, Fernando Gandra se félicite par exemple qu'en septembre 2018, Marianne Thyssen, Commissaire européenne à l'emploi, aux affaires sociales aux compétences et à la mobilité, a appelé Ryanair à «respecter la loi européenne» en matière de droit du travail. Toutefois, son optimisme est nuancé par l'inaction des gouvernants : «Une campagne syndicale contre Ryanair s'est formée à l'échelle européenne et les ministres européens concernés semblent avoir pris conscience du problème [...] Mais il n'y a pour l'heure pas eu d'action concrète de leur part.»
En tout état de cause, les conditions de travail chez Ryanair ont été épinglées à diverses reprises par la presse et ont fait l'objet de protestations de la part de ses employés. Fin septembre, les personnels de cabine de la compagnie étaient appelés à la grève par cinq syndicats européens, qui entendaient faire changer des conditions de travail «inacceptables». Un an auparavant, en novembre 2017, trois pilotes de Ryanair dénonçaient auprès du Figaro des cadences de travail à la «limite de la légalité» et, pour les hôtesses et stewards, «des pressions et des menaces permanentes sur leurs résultats de ventes de produits à bord des appareils».
Fabien Rives