Comment expliquer la censure d'une photo historique appelant au devoir de mémoire ? Facebook serait-il complaisant avec les négationnistes, mais prompt à censurer les appels à se souvenir de l'holocauste ? Le Anne Frank Center for Mutual Respect (AFC), une association dédiée aux droits de l'homme, s'est posé la question après que l'une de ses publications concernant la Shoah a brutalement disparu dès sa mise en ligne sur Facebook.
L'association avait souhaité réagir aux conclusions d'une étude signalant la méconnaissance des jeunes générations envers le génocide perpétré contre les Juifs, notant par exemple que 31% des Américains pensaient que la Shoah avaient fait bien moins de six millions de morts, donnant une moyenne de deux millions. Déplorant que seuls dix Etats sur 50 enseignent l'histoire de la Shoah, elle avait accompagné sa publication d'un texte comportant une photo d'enfants squelettiques, en noir et blanc, prise dans les camps de concentration.
Effarée par la disparition de la photo, l'AFC a demandé des comptes au réseau social qui n'a pas répondu. Deux jours plus tard, l'association s'est plainte publiquement sur Twitter de cette censure, taxant le réseau d'hypocrisie et se plaignant que le géant du net fasse preuve de moins de diligence vis-à-vis des sites niant la Shoah.
«Facebook, vous avez retiré notre publication plaidant pour l'enseignement de l'holocauste, apparemment parce qu'il violait vos règlements. Vous ne nous avez pas donné de raison, mais en revanche vous permettez à des comptes niant l'existence de l'holocauste de rester en ligne. Cela ne serait-il pas un peu hypocrite ?», a-t-elle dénoncé.
Incriminé, Facebook a aussitôt réagi en s'excusant et donné la raison suivante au site américain The Verge : «Comme l'explique notre règlement, nous n'autorisons pas à poster d'images d'enfants nus sur Facebook.» «Mais nous reconnaissons que l'image partagée par le Anne Frank Center est significative du point de vue historique et importante, et elle a été restaurée sur cette base», ont signalé les services de Facebook. Une bourde similaire avait été commise par le réseau avec la photo de la petite fille brûlée au napalm pendant la guerre du Vietnam en 1972, un temps censurée sur le réseau.
Contacté par The Verge, Alexandra Devitt, la responsable de la communication de l'association, n'est pas pour autant satisfaite des critères de censure du réseau de Mark Zuckerberg. «Tandis que Facebook retire une publication de l'AFC qui promeut le besoin d'éduquer sur l'histoire, il continue à autoriser des pages et des publications qui nient sans détours la réalité de la mort de six millions de personnes»
L'AFC avait d'ailleurs notamment lancé une pétition ayant recueilli 184 000 signatures, demandant à la société de retirer les pages négationnistes.
En juillet 2018, critiqué de toutes part pour sa politique de censure inefficace à l'égard de certains contenus et trop abrupte voire absurde vis-à-vis d'autres, Mark Zuckerberg avait refusé de supprimer les comptes négationnistes. «Je suis juif et il y a de nombreuses personnes qui nient la Shoah. Je trouve cela choquant. Mais au bout du compte, je ne crois pas que ce soit le rôle de notre plateforme de retirer [ces publications]. Car il y a des choses sur lesquelles certaines personnes se trompent. Je ne pense pas que ce soit intentionnel», avait ainsi soutenu le patron de Facebook.