International

Un incident impliquant un journaliste lors d'une manifestation de l'AfD agite l'Allemagne

Pris à partie par un participant à une manifestation organisée par l'AfD, un journaliste a filmé les policiers qui, selon lui, auraient pris le parti du manifestant... qui était un policier en vacances. L'affaire fait réagir jusqu'au gouvernement.

Outre-Rhin, un incident survenu lors d'une manifestation de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et de Pegida, mouvement «contre l'islamisation de l'Occident», se transforme peu à peu en scandale politique. Ce 23 août, la ministre social-démocrate (SPD) de la Justice, Katarina Barley, a porté l'affaire au plus haut sommet de l'Etat en faisant part de son indignation, qualifiant les faits d'«inquiétants».

Les faits remontent au 16 août dernier et se sont produits à Dresde, en Saxe, fief de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel où l'AfD obtient cependant depuis plusieurs années de spectaculaires résultats électoraux. Ce jour-là, l'AfD et Pegida manifestaient contre la venue de la chancelière dans leur ville où elle participait à un meeting aux côtés de Michael Kretschmer, ministre-président de Saxe.

Lire aussi : Horst Seehofer : «Le jour de mon 69e anniversaire, 69 personnes ont été expulsées»

Arndt Ginzel, journaliste pour l'émission politique Frontal 21 diffusée sur la chaîne publique allemande ZDF, couvrait cet événement politique lorsqu'un manifestant l'a pris à partie ainsi que son équipe. Leur reprochant de «filmer en plein dans le visage des gens», le manifestant a alors tenté de les empêcher de tourner leur reportage, tout en appelant la police à agir. 

Au lieu d'intervenir de manière neutre, les policiers auraient alors pris le parti du manifestant. «Les forces de police saxonnes assurent le service d'ordre de Pegida et de l'AfD et entravent le travail de l'équipe de Frontal 21 en plein tournage», affirme alors Arndt Ginzel en commentaire d'images de la scène qu'il a publiées sur Twitter. Elles ont été vues plus d'un million de fois depuis. Les journalistes auraient alors subi de la part des policiers un interrogatoire de 45 minutes qui ne leur aurait pas permis de reprendre leur travail.

Le manifestant était un policier : l'affaire devient politique

Sitôt la polémique enclenchée, Michael Kretschmer a réagi en soutenant les forces de l'ordre. Le ministre-président de Saxe a ainsi estimé que les journalistes de la ZDF, autant que le manifestant en question, s'étaient comportés de manière déplorable. «Les seules personnes, dans cette vidéo, qui agissent raisonnablement, ce sont les policiers», a-t-il commenté sur Twitter. 

Selon Michael Kretschmer, la police est intervenue de manière professionnelle au cours de cet incident. Mais le ministère de l'Intérieur saxon a finalement reconnu que le manifestant en question était un membre de la police judiciaire locale, en congés au moment de la manifestation à laquelle il participait à titre privé. De quoi jeter de l'huile sur le feu.

La ZDF dénonce depuis une atteinte à la liberté de la presse, et plusieurs témoignages de journalistes locaux font état d'incidents similaires survenus par le passé au cours desquels des membres de la police auraient pris parti pour des manifestants proches de l'AfD ou de Pegida contre des journalistes. Plusieurs voix se sont élevées, principalement chez les sociaux-démocrates, pour dénoncer une trop grande tolérance des pouvoirs publics en Saxe à l'égard de l'«extrême droite». Les conservateurs locaux (qui gouvernent aux côtés du SPD) auraient «pendant des décennies nié ou banalisé les mouvances d'extrême droite et leurs actes de violences», selon Ralf Stegner, vice-président du SPD.

En attendant de futurs éclaircissement, la ministre de la Justice Katarina Barley a promis que «toute la lumière [serait] faite» sur cette histoire. Reste que les accusations adressées à la CDU saxonne et à sa mansuétude supposée à l'égard de l'AfD prennent une résonance particulière. Alors que le SPD poursuit sa chute vertigineuse dans les sondages, à quelques semaines d'une élection cruciale en Bavière, la droite conservatrice se cherche de futurs alliés. Et l'AfD, même s'il est l'enfant terrible de la politique allemande, voit sa popularité confortée de mois en mois auprès des électeurs... au point de tenter certains pontes de la CDU.