La saison estivale connaît ses premières fausses notes en Algérie : des centaines de personnes ont organisé des prières de rues à travers plusieurs villes du pays afin de protester contre l’organisation de concerts. Pour l'instant, trois villes auraient été la cible de ces élans de protestation.
Comme le rapportent plusieurs médias algériens, le mouvement de contestation a débuté le 26 juillet dans la ville de Ouargla.
Dans cette ville du sud, des centaines d'habitants, exhortant les autorités à satisfaire leurs revendications sociales, ont empêché la venue de Kader Japonais, un chanteur de raï en vogue dans le pays, en organisant à proximité du lieu où devait se produire le chanteur, la prière du soir.
Usant du même procédé, des dizaines de personnes ont tenté d’annuler le 1er août le lancement du festival de la chanson raï dans la ville de Sidi Bel Abbès, à l'ouest du pays. Citant des sources locales, le site Maghreb Emergent relate que plusieurs personnes ayant participé à l'initiative ont été interpellées par les forces de l’ordre.
«La page Facebook [de] la wilaya [département] de Sidi Bel Abbès diffusait des messages appelant les habitants de la wilaya à se révolter contre le festival du raï en organisant le jour de lancement de l’activité un rassemblement devant la maison de la culture. Des appels rapidement adoptés par plusieurs d’autres pages connues pour leur tendance islamiste», a par ailleurs indiqué la même source.
Face à la multiplication de ces incidents, l’Office national des droits d’auteur (Onda), organisme public chargé de l’organisation de ces concerts, a décidé de déprogrammer plusieurs autres concerts prévus les 2 et le 3 août dans la ville d’El Oued, dans le sud du pays. Interrogé le 4 août par un journaliste du quotidien arabophone Al Hiwar, le ministre algérien de la Culture Azzedine Mihoubi a cependant assuré que «l’Etat [algérien] ne laissera[it] jamais un désert culturel et artistique en Algérie».
Les islamistes une nouvelle fois à la manœuvre ?
Pour une partie de la presse algérienne, ces appels à la rationalisation des deniers publics cachent mal la volonté des islamistes de combattre des comportements jugés immoraux.
Dans un article intitulé, «L’Algéristan en devenir», publié le 2 août dans le quotidien algérien Liberté, le chroniqueur Moustapha Hammouche fait part de son indignation :«Des spectacles ont été annulés dans plusieurs endroits du pays. Ici, par des groupes improvisés de "maintien de l’ordre moral", et là, par décision d’autorités prévoyantes préférant battre en retraite devant la menace de descentes islamistes en colère contre la fête.»
Sentiment d'indignation que l'on retrouve dans un autre article publié le même jour par le journal algérien El Watan qui a entre autres repris une chronique de l’écrivain Kamel Daoud ayant pour titre «Kader Japonais est le problème, le FIS [Front islamique du salut] est la solution».
«La bonne vieille méthode : opposer islam et Raï, prière et concert de chant, un "religieux" et un chanteur. Ensuite recycler la mal vie d’une ville et d’une région et indiquer comme cause, non la corruption, l’Administration, la bureaucratie, les oligarques […] mais le "chant", le "Haram" [péché], la dépense pour "danser", un chanteur», écrit notamment l’auteur.
Ce n’est pas la première fois qu'en Algérie des islamistes prennent la culture pour cible. Le 18 décembre dernier, un homme muni d’un burin et d’un marteau avait lourdement endommagé une statue emblématique de la ville de Sétif en s’attaquant à son visage et à ses seins, malgré les vives protestations des passants.