Le 12 juillet, le gouvernement de Theresa May a publié un livre blanc sur le Brexit. Ce vaste document poursuit plusieurs objectifs : recadrer et préciser les objectifs de Londres et relancer, voire débloquer, des négociations ardues avec l'Union européenne (UE). Mais, au-delà, ce «white paper» a pour but d'apaiser les tensions avec les tenants d'un Brexit dur («hard brexiters»).
La réunion qui s'est tenue le 6 juillet dernier, pratiquement à huis-clos, à Chequers, quelque part dans une forêt du Grand Londres, a manqué de peu de faire exploser le gouvernement britannique. Les ministres avaient été priés de laisser leurs téléphones au vestiaire et prévenus qu'ils regagneraient Londres par leurs propres moyens en cas de démission. Quelques jours après, deux «hard brexiters», le secrétaire d'Etat chargé du Brexit David Davis et le pittoresque ministre des Affaires étrangères – et figure de proue de la campagne pro-Brexit de 2016 – Boris Johnson présentaient leur démission.
Les orientations définies par Theresa May dans le livre blanc ne semblent ainsi satisfaire personne. Trop «hard», évidemment, pour les opposants au Brexit, et trop «soft» pour les intégristes de la sortie de l'Union européenne. La presse économique s'est d'ailleurs empressée de juger que Theresa May avait d'une certaine façon cédé. «Londres choisit la voie du "soft Brexit», titrait ainsi Les Echos le 7 juillet dernier.
Un Brexit «hard» mais ouvert à la négociation
Pour autant, à moins de considérer qu'un hard Brexit consisterait en une rupture de tout accord commercial bilatéral avec les membres de l'Union européenne et avec Bruxelles, la profession de foi figurant en introduction du document ne laisse aucune ambiguïté. «Le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 29 mars 2019 et commencera à explorer un nouveau destin dans le monde», est-il ainsi martelé.
Le respect du référendum du 23 juin 2016 y est également clairement réaffirmé. «Le gouvernement aura mis en œuvre le résultat du référendum de 2016, le plus grand exercice de démocratie de l'Histoire du pays. Et il aura atteint un but essentiel de sa mission principale : construire un pays qui fonctionne pour tout le monde, un pays qui soit plus fort, plus juste, plus uni, et plus ouvert», affirme encore avec emphase le gouvernement britannique.
Autre signe que Londres ne renonce pas : le ministre du Brexit David Davis a été remplacé par un autre fervent partisan de la sortie du Royaume-Uni, Dominic Raab. S'exprimant à la Chambre des communes le 13 juillet, celui-ci n'a laissé planer aucun doute sur les intentions de l'exécutif britannique. «Ce livre blanc confirme que le Royaume-Uni quittera l'Union européenne [...] pour poursuivre son chemin hors du marché commun, hors de l'union douanière», a-t-il affirmé.
Le gouvernement aura mis en œuvre le résultat du référendum de 2016, le plus grand exercice de démocratie de l'Histoire du pays
Aussi, malgré leur complexité technique apparente, les mesures proposées dans le document ne visent-elles qu'à préserver les intérêts économiques du Royaume-Uni. Tout en s'affranchissant de la tutelle supranationale de Bruxelles, l'exécutif britannique propose donc de créer une «zone de libre-échange», encadrée par un «ensemble de règles communes pour les biens et les produits agro-alimentaires».
Les nouvelles normes concernant les marchandises seraient élaborées en commun par l'UE et le Royaume-Uni, qui resterait membre des agences de régulation des secteurs très encadrés (chimie, médicaments, aviation). Le Parlement britannique se réserverait toutefois le droit de rejeter certaines nouvelles règles qui ne lui conviendraient pas, tout en acceptant les «conséquences» que cela pourrait impliquer.
Contrôle souverain des échanges commerciaux et migratoires
Parmi les autres dispositions qui ne démentent pas un «hard Brexit» : Londres quitterait l'usine à gaz des politiques européennes communes en matière d'agriculture et de pêche.
Le livre blanc réaffirme également le souhait de mettre fin à la libre circulation des personnes, laquelle faisait déjà l'objet de restrictions, afin de redonner au Royaume-Uni le contrôle de sa politique migratoire. Promettant de rester «une nation ouverte et tolérante», le gouvernement aspire toutefois à un dispositif permettant aux citoyens britanniques et de l'UE de continuer à voyager «dans les territoires des uns et des autres», d'y faire des études ou de travailler.
Cinq ans après que David Cameron a décidé, en 2013, de lancer un référendum pour peser dans les négociations avec Bruxelles, le gouvernement de Theresa May poursuit ainsi le même objectif. Que le Royaume-Uni entretienne des liens plus ou moins étroits avec l'UE dépend en définitive de l'attitude qu'adoptera Bruxelles face à ce livre blanc. Ce 13 juillet, Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement allemand, a réaffirmé que l'interlocuteur du Royaume-Uni resterait l'UE. Façon d'écarter toute négociation bilatérale.
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