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Initiative européenne d'intervention : quelle est cette énième structure militaire supranationale ?

A l'initiative de la France, neuf pays ont annoncé la création d'un groupe européen d'intervention militaire. Pourtant, la sécurité des Européens est déjà déléguée à une structure collective annoncée en 2017... et à l'OTAN en dernier ressort.

L'Europe de la Défense est un peu à l'image de l'Union européenne (UE) : une usine à gaz, composée de structures parfois complémentaires, souvent redondantes, mais toujours à géométrie variable. Et toujours difficiles à comprendre pour les citoyens non-initiés.

Le 25 juin, huit Etats membres de l'UE (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Pays-Bas, Portugal Royaume-Uni), emmenés par un neuvième, la France, ont annoncé la création de l'Initiative européenne d'intervention (IEI). Cette structure de coopération militaire est présentée comme permettant d'agir collectivement en réponse à une situation de crise, comme par exemple en lançant une intervention dans un pays en guerre ou encore en apportant de l'assistance en cas de catastrophe naturelle. Objectifs louables donc, du moins en apparence.

Néanmoins, ce 26 juin, lors de la séance de questions au gouvernement, la ministre des Armées Florence Parly en a dit un peu plus sur cette IEI. «Depuis des années, l'Europe était vue comme un sujet de colloque. Et hier, nous avons montré que c'était une réalité concrète», s'est-elle félicitée en préambule.

Un projet cher à Emmanuel Macron

De fait, le projet d'IEI avait été annoncé par Emmanuel Macron lors de l'important discours de la Sorbonne, en septembre 2017, destiné à relancer l'intégration européenne et à développer le concept présidentiel de «souveraineté européenne», vue comme alternative aux souverainetés nationales. Aussi, le lancement de l'IEI est-il une fierté pour Paris, d'autant que l'idée avait été alors été fraîchement accueillie par la chancelière allemande, Angela Merkel. Mais en ces temps de doute pour l'Union européenne, attisé par la question migratoire, l'IEI permet sans doute d'afficher un tant soit peu une volonté de coopération. Pour autant, la France a dû modérer ses ambitions. L'initiative renonce à s'inscrire dans le cadre strict de l'UE, mais plutôt sur une adhésion libre, ouverte même aux pays non-membres de l'Union.

Aveu de l'impuissance des 28 – possiblement 27 sans le Royaume-Uni engagé dans le Brexit – à s'entendre sur un projet, quel qu'il soit ? Pas pour Florence Parly, malgré le nombre limité de pays ayant rejoint l'IEI. «L'initiative européenne d'intervention est une réponse pragmatique à un constat très simple pour répondre à des menaces communes, plus fortes et plus violentes», a-t-elle martelé devant les députés, évoquant la «défense de l'Europe et des Européens» sans pour autant détailler ces «menaces communes». Florence Parly a en outre souligné les apports, selon elle, de l'IEI, parmi lesquels une meilleure coordination des états-majors de ses 9 pays membres.

Le jeu des sept erreurs

Toutefois, l'IEI se surajoute non seulement aux forces de Défense nationales mais aussi à une autre structure : la coopération structurée permanente (CSP, plus communément désignée par l'acronyme anglais PESCO). Annoncée en novembre 2017, la PESCO a, comme l'IEI, pour objectif, entre autres, de rendre possibles des opérations extérieures en coordination avec les Etats qui y participent. Ces Etats sont d'ailleurs au nombre de 23, ce qui, sur le papier, donne plus de poids à la PESCO qu'à l'IEI. Celle-ci ne serait ainsi qu'un noyau dur d'Etats ayant la «même détermination politique», selon les termes employés par Florence Parly ce 26 juin. Une façon d'annoncer une Europe de la Défense à plusieurs vitesses, avec, à la périphérie des pays plus ou moins labiles ?

En outre, la ministre des Armées a pris soin de préciser que cette IEI, exactement comme la PESCO, visait à soulager l'OTAN. «L'IEI renforce l'OTAN en assurant par ailleurs un meilleur partage de l'effort de Défense, et l'IEI renforce l'Union européenne par sa complémentarité avec la [PESCO]», a ainsi argumenté la ministre. L'IEI, plus qu'un instrument de prestige français, serait donc le chaînon permettant d'articuler l'OTAN, la PESCO et les forces nationales, et de verrouiller l'ensemble par un noyau dur d'Etats. Et, de manière incidente, de répondre aux injonctions américaines : à la suite de Donald Trump qui avait fustigé le coût pour les Etats-Unis de l'OTAN, son secrétaire général Jens Stoltenberg avait mis les Européens au pied du mur en novembre 2017. «L'Alliance souhaite que les axes routiers européens soient prêts à supporter la mobilisation rapide de chars d'assaut de pièces d'artillerie», avait-il déclaré, ajoutant : «Ce qui est bon pour l'Europe est bon pour l'OTAN.»

Lors de son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron avait déjà annoncé les grandes lignes de la future intégration militaire européenne, emmenée par le couple franco-allemand. «Au début de la prochaine décennie, l'Europe devra ainsi être dotée d'une force commune d'intervention, d'un budget de Défense commun et d'une doctrine commune pour agir», avait martelé le président de la République. Mais toujours sous parapluie américain ?

Alexandre Keller

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