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«Guerre d’anéantissement» : Amnesty dénonce les graves violations du droit international à Raqqa

L'ONG Amnesty International a publié des centaines de témoignages de civils à Raqqa, victimes des frappes aériennes aveugles de la coalition dirigée par Washington. La ville a été entièrement ravagée et plusieurs centaines de civils ont perdu la vie.

L'ONG Amnesty International a publié le 5 juin un rapport de plus d'une centaine de témoignages accablants sur la prise de Raqqa, ex-«capitale» de Daesh en Syrie, par les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, entre juin et octobre 2017.

Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont bombardé. Leurs avions de reconnaissance n'avaient donc  pas vu que nous étions des civils ?

Intitulé «Guerre d’anéantissement» – le terme employé par le secrétaire à la Défense américain James Mattis – le rapport revient sur la destruction presque totale de la ville par les frappes aériennes et les tirs d’artillerie de la coalition, qui ont touché massivement les civils.

«Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont bombardé. Leurs avions de reconnaissance n'avaient donc pas vu que nous étions des civils ?», s'interroge ainsi en ouverture du rapport Rasha Badran, un survivant d'une frappe aérienne. «A Raqqa, nous avons recueilli des éléments qui indiquent que la coalition a lancé des frappes aériennes et des tirs d’artillerie aveugles ou disproportionnées. Il s’agit de graves violations du droit international», explique dans les colonnes du Monde Donatella Rovera, conseillère spéciale d’Amnesty International.

Renseignements défaillants

Outre l’utilisation massive par le détachement de marines américains de pièces d’artillerie lourdes aux marges d’erreur importantes, dans une zone urbaine peuplée au moment des combats, Amnesty International dénonce donc les nombreuses frappes aériennes de la coalition qui ont frappé des civils.

L'ONG met en cause les renseignements défaillants fournis par les Forces démocratiques syriennes (FDS, coalition militaire dominée par les Unités de protection du peuple kurde) sur le terrain, et sur lesquels s'est basé la coalition pour mener ses frappes. Une accusation similaire à celle portée au micro de RT en septembre dernier par le journaliste Martin Jay, basé à Beyrouth, qui avait estimé que le renseignement américain était «au mieux sommaire», au pire «complètement défaillant». A cette époque, Moscou avait d'ailleurs devancé le constat de l'ONG, signalant les «erreurs chroniques» de l’aviation américaine à Raqqa, responsable d'une véritable catastrophe humanitaire.

Près de 2 000 civils tués selon Amnesty

Dans son interview au Monde, Donatella Rovera note que le degré de destruction à Raqqa est «largement supérieur à celui qui prévaut dans toutes les autres villes reprises à l’EI en Syrie et aussi en Irak». Difficile cependant d'établir un bilan définitif des nombreuses victimes civiles de la bataille, restées souvent sans sépulture sous les décombres de la ville, Amnesty International mettant en cause l’absence de volonté politique et de transparence de la part de la coalition, dont les Etats membres ne veulent pas reconnaître l'ampleur de la dévastation.

D'après l'ONG, il y aurait eu «plusieurs centaines de morts» civiles, vraisemblablement près de 2 000. «Ceux qui sont restés sont morts et ceux qui ont essayé de s'enfuir sont morts aussi. Nous étions piégés», témoigne Munira Hashish, un habitante.

Washington, qui conteste ces chiffres, a de son côté toujours assuré avoir fait «aussi attention que possible» dans son intervention, selon le général Stephen Townsend, cité dans le rapport. Et le secrétaire à la Défense James Mattis de soutenir que la population locale saura d'ailleurs lui en tenir rigueur : «Nous sommes les gentils, et les innocents sur le champs de bataille savent la différence.»

Ancienne capitale de facto de Daesh dans le nord-syrien, Raqqa a été conquise en octobre 2017 par une coalition de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington. Une libération qui s'est faite au prix de «bombardements barbares», selon Moscou, qui a comparé son sort à celui de la ville allemande de Dresde en 1945, rasée par les bombardements américains et britanniques sans discernement pour les vies civiles.

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